“Champs d’Amours” : 6 films gays cultes qui nous font toujours fantasmer
Lâexposition “Champs dâamours” qui se dĂ©roule Ă LâHĂŽtel de Ville de Paris revisite avec brio 100 ans de reprĂ©sentations LGBT dans le 7e art. Et parce que le cinĂ©ma est objet de dĂ©sir(s) pour beaucoup dâentres nous, nous avons demandĂ© Ă Didier Roth-Bettoni, lâun des commissaires de lâexpo, de nous prĂ©senter 6 films gays cultes qui ont marquĂ© leur Ă©poque et continuent encore aujourdâhui de nous Ă©moustiller.
1 – “Pink Narcissus”, de James Bidgood (1971)
“C’est un film underground bricolé par un photographe qui, pendant huit ans, a tout réalisé lui-même : costumes, décors, musiques. Tout est fait pour sublimer l’acteur Bobby Kendall qui, au gré de différents tableaux oniriques, se livre à de multiples fantasmes. Le film sort en 1971, au tout début du mouvement d’affirmation gay. On n’avait pas encore le droit de tourner du porno et pourtant le film a une charge érotique très intense. Il est aussi esthétiquement brillant, inventif, très pop. Des artistes comme Pierre et Gilles se sont beaucoup inspirés de cet univers.”
2 – “Querelle”, de Rainer Werner Fassbinder (1982)
“Il s’agit du dernier film réalisé par Fassbinder. Véritable réservoir à fantasmes, il concentre toute la mythologie de Jean Genet à qui nous faisons d’ailleurs un clin d’œil avec le titre de notre exposition (NDR : Genet a réalisé le court métrage Un Chant d’amour). Querelle, c’est l’histoire d’un marin qui se tape une ville entière et qui a un rapport permanent avec le sexe… et les couteaux. Brad Davis, le rôle principal, est sublimissime. Il est érotisé comme peu d’acteurs l’ont été. Il faut savoir aussi que l’affiche originale du film, que l’on peut voir dans l’expo, a été censurée à l’époque car elle montrait Querelle adossé à une bite d’amarrage en forme de phallus. ”
3 – “Les Roseaux sauvages”, de André Téchiné (1994)
“Ce qui est très beau dans cette œuvre emblématique de Téchiné, c’est qu’elle montre le surgissement du désir à l’adolescence avec une dimension fantasmatique presque fétichiste. En effet, pour le personnage incarné par Gaël Morel, Stéphane Rideau est une figure inaccessible. Ce dernier véhicule quelque chose de très physique qui est vraiment unique. Suite à ce film, Stéphane Rideau devient d’ailleurs l’égérie du cinéma gay entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000. Il tourne pour François Ozon, Stéphane Lifshitz, Gaël Morel… Sans le savoir, Téchiné a créé un sex-symbol masculin, ce qui est rare dans un cinéma français plutôt habitué à produire des icônes féminines.”
4 – “Happy Together”, de Wong Kar-wai (1997)
“En ouverture, deux garçons qui font l’amour et envisagent de partir en Argentine. Le film se poursuit ensuite dans une ronde des corps qui s’attirent et se repoussent. C’est un tango permanent entre le passionnel et le répulsif où la notion même du couple est constamment interrogée. “Ni avec toi, ni sans toi”, pourrait-on résumer. Comme à son habitude, la mise en scène de Wong Kar-wai est très esthétique et sensuelle. Elle donne à cette histoire d’amour impossible une dimension érotique intense et pulsionnelle.”
5 – “O Fantasma”, de João Pedro Rodrigues (2001)
“Un ovni visuel en même temps que la révélation d’un cinéaste portugais atypique, dans un pays qui nous avait plutôt habitué au cinéma de Manoel De Oliveira… O Fantasma est un film sur le fétichisme. Un éboueur sexy est tellement submergé par le désir qu’il est capable de tout pour l’assouvir. Le personnage principal est guidé par une pulsion vertigineuse. Le film est très radical et ne donne aucune explication psychologique. Quand je l’ai vu, ça a été une déflagration visuelle. J’ai vécu l’un de mes plus grands chocs esthétiques lié au désir.”
6 – “Le Secret de Brokeback Mountain”, de Ang Lee (2005)
“Difficile de ne pas être ému par cette histoire de cow-boys incarnée par Jake Gyllenhaal et le regretté Heath Ledger. Le plus flagrant, ici, c’est le choc des corps qui s’aimantent. Chaque fois que les personnages se retrouvent, il font preuve d’une attirance irrésistible et magnétique. Ce qui a fait le succès du film, c’est le côté assumé de leur amour impossible. Le spectateur passe son temps à vouloir que le couple existe alors que ce n’est pas possible pour plein de raisons. Le film arrive à générer de l’empathie, même chez les hétéros ! A travers une histoire individuelle, ils ont pu prendre conscience de l’oppression de la société envers les homos. Et arriver à les émouvoir avec une histoire gay, ce n’était pas gagné d’avance ! “
Plus d’infos
“Champs d’Amours”, jusqu’au 28 septembre 2019
Hôtel de Ville de Paris, 5, rue de Lobau 75004 Paris
Entrée libre