Nicolas Wanstok, Les Mots à la bouche : “On espère ouvrir au 37, rue Saint Ambroise début avril”
Contrainte de quitter le Marais où elle était installée depuis 1983, la librairie LGBT parisienne a enfin trouvé un nouveau local après plusieurs mois de recherche et d’incertitude. Au printemps, elle va ainsi poser ses livres rue Saint-Ambroise dans le 11e arrondissement, pas très loin du bar queer Le M’sieurs Dames. Le bail a été signé vendredi 7 février. C’est une super bonne nouvelle pour les amoureux du lieu et un vrai soulagement pour toute son équipe. Jock.life a rencontré Nicolas Wanstok, l’un des libraires et responsable de la communication.
Ça y est ! « Les Mots à la Bouche » a trouvé son nouveau local. Soulagé ?
Nicolas Wanstok : Oui très ! On a été sans point de chute pendant un bon moment c’était très angoissant. Et nous sommes très contents du nouveau local qui fait la même superficie que le local actuel. La phase d’agencement de la nouvelle librairie dans laquelle nous sommes maintenant est très stimulante.
Ce déménagement est très symbolique. La librairie faisait partie des derniers établissements historiques à résister à la gentrification du Marais…
Le quartier du Marais, on l’a vu changer presque à vue d’œil comme vous tous. Et ça s’est accéléré ces dernières années. De nombreux bars ont fermé, notamment ceux qui entouraient la librairie. Et on a vu les petits commerces du quartier remplacés les uns après les autres par des marques de luxe et des grandes chaînes, et les habitants gay quitter les quartiers à cause de la hausse drastique des loyers. C’est encore un quartier où les LGBT sortent car il y a encore quelques bars et des saunas/sex clubs. Mais pour combien de temps, puisque les autres commerçants risquent d’être confrontés au même problème de hausse drastique de loyer que nous ?
Est-ce la fin d’un quartier gay unique à Paris ?
C’est assez clair que cette fois les commerces gays ne migreront pas en nombre comme c’est arrivé auparavant (Saint Germain, rue Ste Anne, Les Halles, le Marais). Tout Paris est devenu trop cher pour permettre cela. Je pense que Paris va suivre le modèle de New York, Montréal, Sydney, Amsterdam, et qu’on va voir apparaître plusieurs îlots gays plutôt qu’un seul gros quartier. Et je pense aussi que malgré les applis de rencontre, il y aura toujours besoin de lieux identitaires car nous serons toujours une minorité et que l’homophobie n’est malheureusement pas prête de disparaître. On aura encore besoin d’espaces protecteurs et bienveillants.
Justement, vous vous installez dans le 11e arrondissement dans un quartier où il y a déjà quelques établissements LGBT ou LGBT-friendly. Est-ce ce “nouvel îlot gay” dont tu parles ?
On le voit comme ça oui. Il y a le bar Le M’sieurs Dames, le Bunker pas très loin et le 17. Et quand on a posé la question à nos clients d’une possible destination, la réponse majoritaire a été le 11e. De très nombreux gays y habitent désormais. Donc il s’y passe clairement quelque chose ici et on compte bien y contribuer.
Quand pourra-t-on découvrir la nouvelle librairie ?
On espère ouvrir au 37 rue Saint Ambroise début avril.
“Les Mots à la bouche” a bientôt 40 ans. Depuis, les mœurs ont évolué, on a vu l’apparition de la vente en ligne qui facilite l’accès aux oeuvres LGBT. En quoi est-ce toujours important d’avoir un lieu comme le vôtre dédié à la culture LGBT ?
Parce qu’il y a plusieurs cultures gays, plusieurs cultures queer, plusieurs cultures lesbiennes, plusieurs cultures trans. Nous avons déjà une longue histoire. Et ces cultures se renouvellent toutes en permanence. C’est sûr qu’on trouve beaucoup de choses en ligne, certaines dématérialisées. Mais comme chaque ado gay, lesbienne, bi, trans ou non binaire doit toujours parcourir le même chemin de découverte de ces histoires et de ces cultures, étant la plupart du temps issu d’une famille hétérosexuelle, nous aurons je crois toujours besoin de passeurs et passeuses de ces histoires. Et ça, c’est notre mission.
Comment va se configurer le nouveau lieu ? Y aura-t-il toujours un espace pour des rencontres ?
Le nouveau lieu est aussi sur deux niveaux. L’offre ne va pas radicalement changer, nous aurons un fond lgbtq très fourni, et toujours aussi une d’offre généraliste. Nous continuerons, bien sûr, les rencontres qui se dérouleront plutôt au rez-de-chaussée. Et nous sommes en train de travailler à la fête des 40 ans, qui aura lieu probablement fin mai ou début juin.