Pourquoi 35 ans après, la réouverture des saunas gays à San Francisco est si symbolique…
Les saunas ont toujours fait partie de la culture gay et au début des années 80 on en trouvait une vingtaine à San Francisco. Aujourd’hui il n’y en a plus qu’un mais cela pourrait changer très bientôt. Jock Life vous explique pourquoi.
Petit retour en arrière. Nous sommes en 1984 et San Francisco est LA capitale mondiale LGBT, une bulle safe où les couples de mêmes sexes peuvent vivre leur vie amoureuse et sexuelle librement.
Mais cette liberté sexuelle est bouleversée par l’épidémie de VIH dont les premiers cas sont diagnostiqués en 1981 et qui atteint son pic au milieu des années 80 aux USA.
La communauté gay est la plus touchée. A l’époque les gens sont souvent dépistés en stade sida À l’époque il n’existe pas de traitement et le nombre de décès explose. C’est une hécatombe.
Dans ce contexte très difficile la ville de San Francisco désigne les saunas gays comme un des coupables de la propagation du virus dans la communauté. Elle va jusqu’à déposer plainte pour « nuisance à la santé publique » et impose des restrictions très strictes :
-interdiction d’avoir des cabines qui se ferment à clef.
-interdiction d’avoir des cabines vidéos (avec du porno).
-obligation pour les gérants de sauna de recruter des salariés payés pour surveiller que les clients n’ont pas de rapports sexuels sans préservatifs.
La conséquence de ces restrictions se fait vite ressentir. Les clients désertent ces établissements autrefois conviviaux et commencent à organiser des soirées privées. La plupart des saunas vont mettre la clef sous la porte.
Le mêmes restrictions sont imposées dans d’autres grandes villes des USA et notamment New York en 1985 où la plupart des saunas vont également fermer.
35 ans plus tard, les choses vont changer !
35 ans plus tard en 2020, Rafael Mandelman, un élu local du District 8 (le fameux quartier LGBTQ de Castro) veut faire retirer ces restrictions car il estime que les saunas ne sont pas (et n’ont jamais été) une menace pour la santé publique.
Mandelman est ouvertement gay et il explique dans son plaidoyer que les restrictions de 1984 sont dépassées depuis longtemps car l’épidémie du VIH de 1984 n’a plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui.
En effet depuis 2012, la ville de San Francisco est devenue un modèle mondial de lutte contre le VIH avec une volonté politique très forte de mettre fin à l’épidémie du VIH. Pour cela, la ville a mis en place son plan « Getting to Zero » : zéro nouvelle infection, zéro décès dus au VIH/sida et zéro discrimination pour les personnes vivant avec le VIH ».
C’est la première ville qui a autorisé et remboursé la PrEP dès 2012, un traitement très efficace et vite adopté par la communauté gay.
La ville a également augmenté l’offre de dépistage et a mis en place RAPID, un programme qui vise à mettre très rapidement sous traitement les personnes diagnostiquées, idéalement le jour même. Car on le sait, plus vite une personne séropositive a accès à un traitement, plus vite sa charge virale devient indétectable et donc intransmissible. C’est la force du TasP, le traîtement comme prévention. VIH indétectable = ZÉRO transmission.
Grâce au dépistage répété et grâce aux nouveaux traitements (PrEP pour les séronégatifs et TasP pour les séropositifs), la ville de San Francisco a obtenu des résultats spectaculaires : moins de 200 diagnostics VIH en 2018. Du jamais vu depuis les années 80.
Faire des saunas des lieux de prévention
Ainsi, dans son plaidoyer, Mandelman explique que non seulement l’épidémie du VIH est quasi contrôlée à San Francisco mais qu’en révoquant les restrictions de 1984, on pourrait faire des saunas des lieux de prévention en santé sexuelle avec distribution gratuite de préservatifs et de gel, infos sur la PrEP et à la place d’un salarié qui surveillent si vous mettez, ou non, des préservatifs, des associations communautaires qui font de la prévention et des dépistages VIH et IST sur place.
Mandelman n’invente rien. Tout ce qu’il propose existe déjà dans la plupart des saunas gays en dehors des USA et notamment en France où les assos communautaires sont souvent présentes.
Mais avec ces propositions, il cherche à recrée des lieux de convivialité tels qu’ils existaient avant l’arrivée terrible du VIH/sida. Recréer du lien communautaire en dehors des soirées privées et faire des saunas des espaces de prévention.
C’est un signe optimiste que la fin du sida est possible quand les pouvoirs publics s’en donnent les moyens. Si ces propositions sont votées, elles pourraient rentrer en vigueur dès le mois de juillet.
Alors si vous avez prévu un voyage à San Francisco l’été prochain et que vous avez envie de tester le sauna local, faites-vous plaisir mais n’oubliez pas quelques règles de bases du Dr Naked.
Amusez-vous ! Protégez-vous !