“Le Droit du plus fort”, un classique de Fassbinder à (re)découvrir
Un jeune forain naïf tombe amoureux du bel héritier d’une famille d’industriels… Ce n’est pourtant pas une romance que nous montre Rainer Werner Fassbinder dans ce “Droit du plus fort” terrible et très en avance sur son époque qu’on peut (re)découvrir grâce au vidéo-club en ligne que vient tout juste de lancer Carlotta Films.
C’est une histoire d’amour que raconte Le Droit du plus fort. Mais comme toujours chez le plus grand réalisateur allemand de son époque, non seulement l’amour n’est pas gai, mais il est même à la source de toutes les tragédies. Son premier film, en 1969, ne s’intitulait-il pas L’amour est plus froid que la mort ?
Mais ce qui est formidable chez Fassbinder, c’est que ce jugement, aussi terrible soit-il, s’applique sans distinction quant au genre de ces histoires d’amours. Hétéros, lesbiennes ou gays, elles sont toutes logées à la même enseigne, et une telle absence de hiérarchisation est d’une modernité incroyable dans ces années 1970 où s’épanouit l’œuvre de l’ogre qu’était Fassbinder. Ce dernier réalisa une quarantaine de films en à peine treize ans de carrière. Elle s’acheva en 1982, avec son fastueusement gay Querelle et sa mort, à 37 ans à peine.
L’amour à mâle
Dans Le Droit du plus fort donc, c’est une histoire d’amour entre hommes que filme Fassbinder — et ce n’était pas fréquent en 1974. Fox (Fassbinder lui-même), un jeune forain qui vient de gagner le gros lot au loto, tombe follement amoureux d’Eugen, fils de bonne famille aussi beau que cynique. Entre le prolétaire et le dandy bourgeois, le jeu s’avère vite truqué, et le film révèle sa véritable nature.
Ce dont il est question ici, c’est bien de lutte des classes, c’est bien d’exploitation des dominés par les dominants, c’est bien de mépris social. Eugen, ses amis fortunés, sa famille, n’accueillent et n’acceptent Fox que parce qu’il a de l’argent. Alors tant pis s’il n’a pas les manières, on fait avec en apparence, et on se moque de lui dès qu’il a le dos tourné. Et surtout, on lui soutire son argent, on l’utilise, on le presse comme un citron. Et que fait-on du citron, une fois qu’on l’a vidé de tout son jus ?…
L’amour selon Fassbinder, c’est toujours cette histoire d’un oppresseur et d’un opprimé plus ou moins consentant, c’est toujours cette façon dont les forts (économiquement, culturellement…) se servent des faibles. Que cela se déroule ici dans un couple homosexuel ne change rien à l’affaire. Mais c’est peu dire que ce monde gay allemand des seventies, avec ses lieux de drague, ses cafés populaires, ses salons huppés… est représenté ici avec une franchise et une variété très étonnantes et passionnantes. Un film essentiel à redécouvrir !
Le Droit du plus fort est proposé en streaming sur la nouvelle plateforme de Carlotta Le Vidéo Club de Carlotta Films. Pour son lancement, la plateforme offre un tarif spécial mensuel à 2,50 € au lieu de 5€. Vous pourrez y retrouver de nombreux autres classiques comme le magnifique Nuits Blanches de Luchino Visconti ou encore Les Funérailles des roses, une rareté japonaise délicieusement queer.