Christophe Beaugrand : « Gamin, je rêvais de pouvoir me marier avec un homme et d’avoir un enfant. »
Plus qu’un témoignage sur le parcours de GPA qu’il a vécu, « Fils à papa(s) », le livre de Christophe Beaugrand, est comme un guide, émouvant et finalement très joyeux d’un long processus d’amour qui exaucera son rêve : fonder une famille. Juste une question d’amour avec son mari Ghislan et leur fils Valentin. Rencontre exclusive.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
On vit des choses étonnantes parfois, on rencontre des gens différents chaque fois. Je voulais me souvenir et surtout pouvoir raconter l’histoire familiale à Valentin. Je n’avais pas forcément prévu d’écrire un livre. L’été dernier, un éditeur m’a contacté parce qu’il trouvait intéressant de raconter cette histoire-là. Il avait envie de publier un témoignage sur la gestation pour autrui (GPA) depuis très longtemps. Il pensait que ça pouvait faire évoluer la société et les mentalités… Je m’y suis attelé pendant le deuxième confinement. Ça m’a permis de revenir sur mon passé. J’ai écrit ce livre pour mon fils mais aussi pour tous les jeunes qui se découvrent homo aujourd’hui et qui se disent qu’ils ne pourront pas avoir accès à tout, dont la parentalité…
Mon parcours (et celui de la plupart des familles qui sont passées par là) est avant tout un parcours d’amour.
Êtes-vous conscient que votre livre va bien au-delà du témoignage du parcours du processus de la GPA ? Qu’il est un véritable guide bienveillant de la GPA…
Je voulais expliquer de manière très concrète et très précise aux gens ce qu’est la GPA. On lit énormément de choses fausses sur les mères porteuses sur les réseaux sociaux. Des choses irrespectueuses. Sur ces femmes, sur nos familles… Je voulais raconter comment nous nous avions vécu les choses, comment la plupart des Français qui vont avoir accès à la GPA, vivent cette aventure. Je voulais mettre de la réalité et sortir des clichés.
Je comprends complètement qu’on puisse être contre la GPA, mais je trouve qu’il faut avoir les bons arguments. Il y a peut-être des excès… et je les dénonce dans le livre. Mon parcours (et celui de la plupart des familles qui sont passées par là) est avant tout un parcours d’amour. Je suis toujours en relation avec Whitney qui a porté notre bébé et avec Bruna qui a fait don de son ovocyte. C’est surtout une histoire de famille et pas forcément une histoire d’argent.
Vous avez posté des photos de votre couple avec Mathieu et Alexandre de L’Amour est dans le pré qui partent eux-aussi dans l’aventure d’une GPA. Est-ce important pour vous de transmettre ?
On s’était rencontré à l’occasion du tournage d’un clip contre l’homophobie tourné il n’y a pas très longtemps. Leur visibilité comme la mienne fait du bien à beaucoup de jeunes aujourd’hui. Ils nous ont posé pas mal de questions parce que, comme beaucoup d’autres, ils avaient besoin d’avoir des réponses à des questions qu’ils ne trouvaient pas sur Internet. Ça va leur permettre de voir un peu plus clairement comment ça se passe. Et ça leur permettra d’être accompagné… (Valentin intervient pendant l’interview…) Excusez-moi, mais il veut qu’on lui mette les « crocodiles »… (Rires)
Vous avez entamé ce processus seuls, tous les deux. Vous avez voulu protéger vos familles du stress autour de l’arrivée de Valentin ?
Notamment nos mamans qui sont des stressées. Dans mon enfance, c’était pareil. Quand on se découvre homo, on a envie de protéger nos parents de problèmes de famille. C’est pareil avec ce parcours de GPA qui est long et compliqué… On en a parlé une fois que les choses étaient parties. Et comme nos mamans ont tendance à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein, on a tenu à les protéger…
C’est drôle, j’ai reçu un texto de ma mère ce matin. Elle est en train de lire le livre. Je ne lui ai donné que la semaine dernière. Elle m’a écrit : « Beaucoup d’émotions. Je suis admirative de ce que vous avez enduré pour arriver à Valentin. Vous m’avez beaucoup épargné mais on savait que c’était un parcours du combattant. » Je ne veux pas que les gens pensent que le livre est plombant, triste : c’est un livre solaire… Ça parle de famille, de l’envie de fonder un foyer, c’est un sujet universel…
Vous parlez souvent dans votre livre de bonne étoile… Mais il n’y a pas que la chance qui entre en ligne de compte. Quelles qualités faut-il développer avant de se lancer dans une telle aventure ?
La chance se provoque. On peut choisir d’être heureux dans la vie. On peut positiver et voir les choses du bon côté. Même si ce n’est pas toujours facile. Il faut être tenace, et croire que tout est possible. Quand j’étais gamin, je rêvais de pouvoir me marier avec un homme et de pouvoir fonder une famille. C’était quelque chose d’impossible. Et pourtant… Avec de la pensée positive, on peut déplacer des montagnes. J’ai l’impression que ce récit fait du bien aux gens parce qu’il y a de l’amour.
Pour des mamans qui découvre l’homosexualité de leur fils, le parcours de Jarry ou le mien, montre qu’on peut réussir dans la vie, qu’on peut être heureux, se marier, fonder une famille…
Vous faites partie d’une génération de gays, comme Jarry d’ailleurs, qui n’ont jamais eu besoin de cacher leur homosexualité. Mais cette visibilité n’a-t-elle pas un prix, notamment avec les homophobes ?
Quand on s’exprime et qu’on est visible, on peut devenir une cible pour certains. Pour beaucoup d’autres, la majorité, on est un point de repère un peu différent. Par exemple, pour des mamans qui découvre l’homosexualité de leur fils, le parcours de Jarry ou le mien, montre qu’on peut réussir dans la vie, qu’on peut être heureux, se marier, fonder une famille… Pour les jeunes homos, aussi, avoir des modèles est important.
Je soutiens un certain nombre d’association contre l’homophobie comme Le Refuge. Il est primordial de se rappeler que la première cause des suicides chez les ados est l’homosexualité. La semaine prochaine, un reportage qu’on a fait sera diffusé dans 50 Minutes Inside. On a ouvert nos portes et on va montrer le quotidien d’une famille comme les autres sauf qu’il y a deux papas. Et c’est la première fois à ma connaissance qu’un tel reportage sera diffusé avec une telle audience.
À la fin du livre, vous ajoutez une note sur les statistiques de la GPA aujourd’hui. Est-ce une façon de rappeler la promesse qu’Emmanuel Macron avait fait en 2017 au sujet de la filiation des enfants nés de GPA et qui est restée lettre morte ?
C’est mon éditeur qui m’a demandé de montrer où nous en étions aujourd’hui en France. A priori, les choses avancent un peu. Mais le projet de loi pour la reconnaissance d’enfant né d’une GPA à l’étranger, qui attend dans la navette parlementaire, demandera, d’après ce que j’ai compris, que le père qui n’est pas biologique (qui n’a pas donné son sperme) devra adopter son propre enfant avec une enquête sociale. Ce qui extrêmement traumatisant pour un papa qui joue son rôle de père depuis le début, qui a tenu son enfant dans ses bras à la naissance…
On va voir… Je ne dis pas qu’il faut légaliser la GPA en France. Je ne pense pas que tout le monde soit prêt, ça ne sert à rien d’hystériser les débats, là, maintenant. En revanche, on ne peut pas faire comme si nos enfants n’existaient pas. Quand on est rentré en France, les papiers américains de Valentin étaient en règle mais pour obtenir la reconnaissance de l’état civil français avec les deux papas, ça nous a pris un an et demi. Et oui, j’ai envoyé un livre à Brigitte (je lui avais promis…) et un à Emmanuel Macron.
Une dernière question, peut-être la plus importante, parce qu’il n’est que question d’amour. Comment va Valentin ?
Valentin va super bien. Vous l’avez entendu… C’est un petit garçon hyper joyeux, qui s’amuse beaucoup, qui rit beaucoup… Il est très épanoui.