Clip : « La Poutre dans la prunelle » de Jeancristophe ou les blessures d’un premier amour
À l’occasion de la sortie du clip « La Poutre dans la Prunelle » de Jeancristophe, nous avons posé quelques questions au réalisateur Benoît Duvette. La chanson, mêle le lyrisme classique du violoncelle et la puissance ravageuse de la guitares électriques et d’une batterie sauvage. Passionnée et romantique, cette chanson ne vous laissera pas indiffèrent… Rencontre.
Nous vous avions déjà parlé du réalisateur Benoît Duvette à l’occasion de la diffusion de son court-métrage Ruines, dans le cadre du festival en ligne JocK et QueerScreen font leur cinéma. Aujourd’hui, il vient de réaliser le clip de La Poutre dans la prunelle pour le chanteur lillois Jeancristophe, clip qui montre les blessures des premières amours quand les désirs ne sont pas partagés. Pour Jock.life, le jeune réalisateur revient sur cette collaboration.
Comment est née cette collaboration avec le chanteur Jeancristophe La Poutre dans la Prunelle…
La Poutre dans La Prunelle est extrait de l’EP Où est la joie ? de l’artiste lillois Jean-Christophe Cheneval (alias Jeancristophe). Le clip est le fruit d’une rencontre artistique et humaine forte qui s’est produite entre nous. Nous avons chacun notre univers et modes d’expression, nous partageons cette sensibilité aux blessures qui ne se referment jamais tout à fait, d’où jaillissent des besoins brûlants d’expression. Les deux comédiens, Néven Carron, évoquant l’ange pur, incarne ainsi la projection fantasmée du souvenir d’une blessure ; Éloi Jaillet, alliant beauté du corps et dureté du regard, prend les traits du bourreau qui ne saura peut-être jamais qu’il en fut un.
Ce clip, que j’ai réalisé, est une proposition très personnelle. J’ai décidé de filmer cette première blessure que nous avons tous connue : la blessure de notre premier amour, nos premiers sentiments, nos premiers désirs qui ne sont malheureusement pas partagés.
La Poutre dans la Prunelle est l’histoire d’un garçon amoureux d’un autre. Il le regarde et voit à travers son attitude, son sourire, leur complicité, la possibilité de faire le premier pas. Lorsqu’il s’avance vers lui, il se fait repousser. Il se rend compte qu’il avait fantasmé les sentiments amoureux de l’autre. Il lui a révélé ses sentiments à travers une lettre dont l’autre se sert pour réduire en cendres un piano abandonné dans la maison qu’ils étaient en train d’explorer.
Comment s’est passé le tournage du clip ?
Une amie m’a parlé de la maison de ses grands-parents qui n’était plus habitée depuis leur mort. Elle souhaitait redonner un peu de vie à la maison, y construire de nouveaux souvenirs. À la même période, j’étais en train d’écrire l’histoire du clip La Poutre dans la Prunelle pour Jeancristophe.
Au moment du repérage, j’ai eu un coup de cœur pour le grenier de la maison. J’ai pris un des grands chapeaux qui trainaient sur le sol et je me suis laissé enivré de la lumière du jour provenant du velux. J’ai immédiatement senti que l’histoire d’amour de cette chanson pouvait se développer dans l’univers de cette maison.
Pour le tournage, nous avons décidé avec les comédiens de dormir dans la maison pour éviter de faire le trajet chaque jour ! Le tournage est devenu une sorte de parenthèse hors du temps. Trois jours pendant lesquels nous avons vécu un moment émotionnel très fort à travers le tournage de cette histoire d’amour. C’était la première fois que je travaillais avec Néven Carron et Éloi Jaillet, c’était également leur première expérience de tournage professionnel.
Quelle couleur avez-vous voulu donner à cette histoire d’amour ?
J’avais envie de réaliser un clip à la fois sombre et lumineux. Je voulais placer cette histoire au creux de l’été. L’été, c’est le temps des histoires d’amour d’un instant qui nous marquent à jamais.
Je voulais raconter ces jours d’été que l’on passe, collé à son meilleur ami lorsque l’on est adolescent et où l’on se pose des questions. En termes de photographie, je voulais retrouver ces moments où le soleil nous donne chaud, où il donne à chaque instant une teinte de vacances. J’avais envie de retrouver l’atmosphère que l’on peut avoir chez des photographes comme Eber Figueira, Yann Faucher ou encore Walter Jenkel.
Et puis il y a ce rejet, cette violence. Je ne voulais pas traduire cela par un geste physique brutal, je voulais que ce rejet soit traduit par quelque chose de doux. Ainsi, la violence se traduit par cette lettre brûlée du bout des doigts, ce piano, symbole de l’amour, qui se consume sous nos yeux. Mais la violence s’exprime également par le corps de ce garçon qui continue, même dans ce rejet, à être ouvert et entièrement tourné vers l’autre, à lui brûler le cœur de désir. Le feu est le ravage de nos désirs sur nos corps, nos âmes, nos vies.
Avez-vous une anecdote à nous raconter concernant La Poutre dans la Prunelle ?
Le titre La Poutre dans la Prunelle est composée d’après la Fantaisie en fa mineur de Franz Schubert, qui se joue normalement à quatre mains au piano. C’est une œuvre que je connais bien car j’ai pratiqué pendant plus de dix ans le piano quand j’étais adolescent.
Dans le clip, le piano qui brûle est celui sur lequel j’ai pratiqué la musique pendant mon adolescence. Aussi, j’avais beaucoup d’émotion à ce que mon piano, que j’ai dû abandonner lorsque j’ai commencé mes études supérieures, car il ne trouvait pas sa place dans ma nouvelle vie, ce piano qui m’a accompagné dans un grand nombre d’émotions, soit réduit en cendre dans cette histoire d’amour que j’ai pu connaître adolescent.