« Le Journal d’Andy Warhol » sur Netflix : Andy et ses hommes

Construit comme une autobiographie à partir du livre éponyme, le docu-série « Le Journal d’Andy Warhol », diffusé sur Netflix, nous propose une version de la vie de l’artiste outrageusement très gay, bien loin du récit soi-disant « officiel » du monde de l’art…

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N’en déplaise à la page Wikipédia d’Andy Warhol qui n’aborde absolument pas le sujet, l’artiste était gay. C’est à travers cette réalité que ce docu-série de six épisodes, produit par Ryan Murphy et adapté du journal publié par Pat Hackett en 1989, nous invite à découvrir Warhol, ou plutôt à redécouvrir l’artiste et l’homme, tant on a l’impression qu’une doxa plane sur sa bio depuis sa mort. Doxa entretenue par le monde de l’art (finalement faussement gay-friendly comme le démontre la série) et par son entourage proche qui semble continuer, encore aujourd’hui, à nous servir le discours (épuisant !) de l’universalisme asexué de l’artiste. On pense à Christopher Makos, un ami intime, qui déclare : « Andy était gay ? Oui… Andy était un artiste ! Évidemment… Mais Andy n’était pas un artiste gay. » Si ce docu-série est aussi exceptionnel, c’est qu’il déconstruit entièrement ce discours qui est à contre-sens du travail de Warhol. Et finalement, cette série nous rend très fiers !

Jed, Jon, Jean Michel…

Non, Andy Warhol n’était pas asexué comme a toujours voulu nous faire croire la légende. Il a été amoureux, peu de fois certes, mais profondément. Et quand chacune de ces histoires se sont terminées, il en a beaucoup souffert. Il a eu deux amours dans sa vie (auxquels on peut aussi ajouter l’amitié profonde pour Jean-Michel Basquiat qui était peut-être un peu plus que de l’amitié…) : Jed Johnson et Jon Gould…

Dans le docu-série, la voix off reproduit, avec la magie du numérique, le timbre de l’artiste. Elle donne l’impression que c’est Andy Warhol lui-même qui nous parle. Du coup, quand il évoque ses amours, ses émotions, ses erreurs aussi, on est dans le réel. C’est touchant de voir à quel point l’artiste a du mal à communiquer ses ressentis et en même temps, combien les garçons qui l’entourent respectent cet état de fait… Et on a beaucoup reproché à Warhol son manque d’implication dans la lutte contre le Sida. Il a pourtant accompagné Jon jusqu’à son dernier souffle, pudiquement, intimement… Et désarmé, aussi.

Des hommes, des hommes et des hommes…

Andy Warhol n’est pas seulement l’homme de la boite de soupe Campbell et des sérigraphies de stars (qui en passant, ont surtout servi à financer ses autres projets, moins rémunérateurs). Il était aussi à l’origine de travaux photographiques très sexe. Sa rencontre avec le toxique Victor Hugo, le petit ami du couturier Halston, n’est pas étrangère à ces clichés on ne peut plus suggestifs : sur une photo, Victor tient un pénis dans la bouche comme un cigare !

Andy Warhol a eu des « périodes » de garçons. Au début des années 70, il était attiré par les mecs issus de l’iconographie gay presque classique avec le cuir, les harnais, voire rien du tout. À la fin de la décennie, il flirte avec les BCBG, pas très éloignés du look de son Jon, bel homme de la Vieille Angleterre. Quand il rencontre Basquiat, ce sont les loulous urbains qui attirent toute son attention… Et ces « périodes » ont eu un effet évident et visuel sur son travail comme le montre très bien le docu-série…

Jésus-Christ et le sida

Andy Warhol était gay mais il était aussi catholique par ses origines familiales d’Europe de l’Est très croyantes. Quand l’épidémie de sida a décimé ses proches, il a cherché des réponses. Que ce soit en allant voir des guérisseurs par les cristaux ou en se rendant tous les dimanches à l’église. C’est une époque où tous les homophobes hurlent que le sida est une punition de Dieu… L’artiste se retrouve coincé entre une foi qui le rejette et un entourage qui meurt (dont son propre compagnon)…

Les activistes reprochent beaucoup à Andy Warhol de ne pas avoir lutté contre le sida comme a pu le faire un de ses amis, Keith Haring. En fait, ces reproches sont surtout justifiés par le dernier travail artistique du roi du Pop Art : des variations autour de la Cène, le dernier souper. Un travail extrêmement christique que les proches de Warhol se sont efforcés d’expliquer dans le docu-série. A vous, de vous faire un avis…

Le journal d’Andy Warhol, de Andrew Rossi. 6 épisodes. À voir sur Netflix

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