Pourquoi Gran Canaria est devenue l’une des destinations préférées des gays européens ?
Avec les restrictions liées à la pandémie, les fermetures de clubs, les difficultés à l’entrée dans les pays européens, une destination touristique a su tirer son épingle du jeu : Gran Canaria. Cette île continue d’attirer de nombreux voyageurs gays, au grand dam de Sitgès et Mykonos… Alors que la Pride annuelle va s’y dérouler du 5 au 15 mai, qu’est-ce qui fait le succès de Gran Canaria ?
On ne vient pas à Gran Canaria pour sa beauté architecturale. Mais cette île à de nombreux atouts qui en font, depuis de nombreuses années, un rendez-vous pour les gays qui aiment partir en hiver et au printemps. C’est plus précisément au sud de l’île, à Maspalomas – Playa del Ingles, que l’on trouve un véritable paradis rainbow dominé par des dunes gigantesques où il fait bon draguer.
Ajoutez à cela un climat généreux quand on se caille en France, des prix attractifs et des liaisons aériennes nombreuses, des randonnées possibles au milieu de paysages volcaniques et surtout une vie gay nocturne intense qui se concentre au Yumbo, un centre commercial en plein air.
Pour toutes ces raisons, Gran Canaria est devenue l’une des destinations préférées des gays… et ce, toute l’année ! L’office du tourisme et les acteurs locaux ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et multiplient les semaines festives à destination des garçons. Outre l’incontournable Pride du mois de mai qui revient enfin après deux années covidées, il y a désormais la Winter Pride en novembre, ainsi que des semaines fetish ou bear à l’automne et au printemps.
Drague et tolérance
On ne va pas se mentir : une des raisons principales pour se rendre à Gran Canaria reste la drague ! William y va surtout pour ça : « C’est pas branché, c’est populaire et mixte en termes d’âges, de moyens, de goûts… J’y ai rencontré un routier anglais (un vrai), un prêtre allemand, un avocat italien… »
Stéphane (30 ans) se souvient de sa première fois sur l’île : « J’y suis allé à reculons. J’ai suivi des potes. C’était il y a 5 ans. Je n’en avais pas envie. Mon copain de l’époque n’avait pas les moyens d’aller à Mykonos. J’avais une image des Canaries très cheap, un peu comme la Tunisie ou la Turquie… Pour moi, c’était l’Espagne laide. Arrivé sur place, je suis tombé amoureux de l’île. J’y retourne tous les ans depuis… » William résume assez bien son sentiment la première fois : « Gran Canaria, c’est plein de destinations en une : la chaleur du Maroc, les mecs sexys de l’Espagne, l’organisation à l’allemande… Et surtout, ce paysage presque lunaire… Pas de décalage, peu d’heures de vol et pourtant, tu as l’impression d’être super loin ! » Autant de raisons qui font craquer nos témoins…
Bruce (61 ans) trouve que Gran Canaria est la destination la plus tolérante qu’il connaisse : « Je ne me suis jamais senti en insécurité là-bas. Je ne suis plus d’une première fraicheur, j’en suis conscient mais jamais, quelqu’un m’a fait la moindre remarque sur mon âge. Ou sur mon physique d’ailleurs. Quand tu t’installes seul dans un bar, il y a toujours un voisin de comptoir ou un barman qui discute avec toi… A Gran Canaria, je retrouve l’énergie de ma jeunesse ! (Rires) »
Travailler les pieds dans l’eau
En 2020, on a aussi vu apparaître un genre de touristes inhabituels : les télétravailleurs de la plage. À cause de la pandémie, la chute de la fréquentation touristique a menacé les références classiques des séjours gays, à savoir les week-ends à Barcelone ou les vacances de printemps en Grèce… Du coup, les habitudes de voyages ont changé. Gran Canaria a très vite senti le vent tourner et a proposé très tôt des tarifs « longs séjours » à leurs hôtes… François (53 ans) s’est vu confiné chez lui dès le mois de janvier : « J’ai pris la décision en accord avec mes supérieurs hiérarchiques, d’aller télétravailler à Gran Canaria… On m’a fait un bon prix pour l’hébergement. Et surtout, c’est une destination où le réseau internet est excellent… C’était indispensable pour mon travail ! » Il y est resté quatre mois…
Ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir travailler les pieds dans l’eau n’ont pas pour autant sacrifié leurs vacances habituelles, quitte à devoir composer avec des restrictions sanitaires moins festives que d’ordinaire. Serge (50 ans) ne renoncerait pour rien à ses séjours réguliers aux Canaries : « J’y vais deux fois par ans depuis vingt ans. Une fois en hiver et une fois en été. Il y fait beau toute l’année. Les prix sont vraiment abordables. Et les Espagnols sont encore plus accueillants là-bas… Je préfère aujourd’hui Lanzarote à Gran Canaria. »
A chacun ses Canaries !
Le nombre d’îles et la géographie de chacune d’entre elles permet à tout le monde de partir aux Canaries pour des raisons propres. On a compris que William y allait pour la drague : « Moi, c’est Gran Canaria. J’aime le côté sexe “à toute heure”, dans des lieux improbables comme le Basement où l’on peut faire son affaire devant tout le monde autour de la piscine, comme dans un porno… Je ne vois pas d’autres lieux en Europe où on peut le faire. En plus, on peut rencontrer des mecs en pleine journée et il y a du monde tôt dans les bordels, pas besoin d’attendre minuit… » François est dingue de randonnée. Il a pratiquement visité toutes les îles. « On découvre des endroits insensés et exceptionnels… Je me suis fait de nombreux amis de randos et on coordonne nos séjours pour marcher ensemble. Une vraie tribu ! ». Stéphane, lui, va à Gran Canaria pour ne rien faire : « Et c’est une destination parfaite pour le farniente. De la plage aux dunes, il n’y a vraiment qu’un pas… Et le soir, c’est Yumbo, où je vais pêcher de l’Européen… »
De là à y vivre…
On pourrait imaginer que les Canaries attirent ainsi de nombreux gays européens et que ces derniers s’y installent… Pierre (66 ans) pense au contraire que « ses » îles restent avant tout des lieux de vacances : « J’y habitent depuis plus de vingt ans. Je suis tombé amoureux d’un vendeur de bijoux espagnols et je suis resté. Beaucoup de touristes craquent pour le mode de vie très local. Ils viennent mais ils ne restent pas… Je connais finalement assez peu de Français qui habitent les Canaries… Ou alors, c’est à Gran Canaria. »
François aime passionnément les îles mais il n’y vivrait pas pour autant : «C’est une région très pauvre culturellement. J’ai besoin de mes cinémas et de mes théâtres… » Même chose pour William : « C’est trop sénior, trop allemand, et il n’y a aucune vraie ville. Je m’en lasserais très vite, j’aime la ville. » Serge pense à s’y installer : « Mais pas à l’année. Pourquoi pas six mois et à Gran Canaria ? Le temps de me ressourcer… »
Pas chère, proche, très gay-friendly, ensoleillée toute l’année, un lieu de drague à ciel ouvert… Autant de raisons qui font que Gran Canaria est en train de devenir la destination touristique préférée des Européens…