Omar Zúñiga : « “Los Fuertes” est un film romantique ! »
Présenté au festival Chéries-Chéris, “Los Fuertes” sort enfin en salles ce mercredi 4 mai. Cette histoire d’amour touchante et délicate entre deux hommes est un véritable coup de cœur. Nous avons rencontré Omar Zúñiga, son réalisateur, qui nous a parlé Chili, romantisme et scènes de sexe…
Pourquoi avoir choisi de tourner dans la région de Valdivia au sud du Chili, ton pays natal ?
Dès que j’ai commencé à écrire l’histoire du film, je savais que je voulais que ça se passe au sud du Chili. Une région où cohabitent la pluie, la rivière et l’océan… Il y a une vraie connexion entre l’humain et la nature là-bas. Je ne suis pas originaire de cette région mais je suis profondément attaché à cette connexion. Je voulais garder pour mon film toute l’authenticité de cette région. L’authenticité des habitants surtout… je n’aurais pas pu faire Los Fuertes dans un autre endroit. Au Chili, nous avons une multitude de paysages distincts : le désert au nord, la montagne à l’est et l’océan à l’ouest… Un peu comme la France d’ailleurs… J’aime raconter des histoires qui se passent ailleurs qu’à Santiago, ou ailleurs que dans un décor urbain. La société existe telle qu’elle est, avec toutes ses différences, dans tous les lieux du monde.
La mer est très importante dans ton film…
Oui, la mer est très présente dans Los Fuertes. Son immensité est inspirante. Comme si elle avait la capacité de nettoyer les humeurs des gens par sa présence…Comme si tout était possible quand on est à son bord. Je vois vraiment la mer comme un élément de la résilience qui, finalement est primordiale dans l’histoire du film. L’image même des forts qui sont balayés par les vagues depuis des siècles mais qui sont toujours debout, me fascine…
Le court-métrage dont Los Fuertes est issu s’appelait San Cristobal. Pourquoi as-tu changé le nom ?
C’est le court-métrage qui a permis le financement du film après qu’il a eu reçu le Teddy Award à Berlin en 2015. J’ai changé le nom parce que nous avons changé aussi depuis ce court… Même le Chili a changé. Nous sommes devenus beaucoup plus « fuertes ».
Tu as justement choisi de dire que les protagonistes étaient “forts”. Mais ne sont-ils pas aussi et surtout fragiles ?
Le titre du film parle à la fois des « forts » de la région et des personnages. Même si ces derniers sont fragiles, ils ne font pas moins preuve de résilience et d’indépendance. Ce qui les rend au fond très forts. Savoir ce que tu es et ce que tu veux est pour moi un signe de force énorme. Je voulais célébrer cette envie d’atteindre le bonheur…
Comment s’est passée la scène de sexe très explicite ?
Je voulais que ce soit une scène passionnée entre les deux hommes. Assez distincte de celle que j’avais prévue au départ… Plus romantique. En fait, cette scène intense représente la fin de la douleur liée à la honte. Au final, je voulais que les personnages ne s’excusent pas d’être fous l’un de l’autre. Cette scène est assez proche de ce que j’ai pu vivre. Je suis très fier de ce que les acteurs ont joué. Ce n’était pas évident mais le résultat est complètement crédible. La sensualité va beaucoup plus loin que le simple fait de montrer des corps qui font l’amour. Les regards, par exemple, sont très importants…
Une des scènes les plus importantes du film est celle du petit-déjeuner. Pourquoi cette scène parle autant à un public gay ?
Après une scène très forte de sexe, voire une nuit, on se pose souvent la question : « Est-ce que je m’en vais ? » ou « Est-ce que je reste ? ». Beaucoup de gays se sont retrouvés dans cette situation. C’est presque pour moi la définition de l’intimité. Ils sont en slip, ils se réveillent, l’un prépare le café. Toutes les retenues ont disparu. Jusqu’à danser sur cette chanson très populaire en Amérique latine. On a tous des souvenirs de cet ordre. C’est l’anti-scène de sexe : le romantisme absolu. C’est souvent dans ce genre de situation qu’on se pose la question du couple. Les paroles de la chanson sur laquelle les deux personnages dansent, disent « A moi, ce garçon est à moi ! » Ça veut tout dire…
Il y a beaucoup de silences dans le film. Que signifient-ils ?
C’est un truc très chilien. On parle peu. Contrairement à beaucoup de nos voisins. Les Chiliens détestent la confrontation. J’ai intégré ce trait de caractère dans mon film. Le silence est culturel chez moi… Il est souvent accompagné de gestes tactiles ou de regards intenses qui parlent plus que les mots. Il est plus un signe de richesse que la représentation d’une difficulté à communiquer.
Le mot « romantique » est un peu galvaudé aujourd’hui. Mais considères-tu Los Fuertes comme un film romantique ?
Absolument. On a souvent l’habitude de dire que le romantisme est quelque chose qui se construit sur l’imaginaire, voire l’impossible dans l’amour. Je voulais montrer que tout est possible et que c’est ça, qui rend l’amour encore plus beau. Donc oui, mon film est un film romantique. Je le revendique. Même si je voulais à tout prix éviter les clichés romantiques d’un certain cinéma. Dans Los Fuertes, personne ne va courir au ralenti dans un aéroport pour retrouver l’amour de sa vie ! (Rires).
Comment vois-tu ton pays qui est en train de devenir l’un des pays au monde le plus progressiste aujourd’hui ?
Le Chili est une jeune démocratie. Il y a seulement trente ans, nous sortions d’une dictature très dure. Du coup, cette envie, j’ai même envie de dire, ce besoin de liberté est toujours très fort. Le lien social est intense au Chili. Et j’adore voir mon pays évoluer et devenir aussi ouvert sur le monde et sur les différences de ses habitants. J’ai confiance dans le bon déroulement à venir des avancées sociales du Chili…