Dessins : les garçons généreux de Frands Gabriel
Les garçons de Frands Gabriel ne laissent pas indifférents. Ils nous invitent à l’imagination et au fantasme. A l’occasion d’une exposition au Bear’s Den à Paris qui se termine mercredi 13 juillet (ne trainez pas), JocK a rencontré cet illustrateur qui se considère, à juste titre, comme homoérotique…
Parle-nous de toi… Ton histoire…
Je m’appelle Frands Gabriel et je suis illustrateur. J’ai ouvert un compte Instagram en 2019 qui propose de redécouvrir l’autre (mais aussi soi-même) à travers un regard curieux et empathique sur ma définition plurielle de la beauté. On y trouve des hommes de tout physique (néanmoins souvent barbus, poilus et aux formes généreuses) qui embrassent leurs corps et leurs désirs. Pour moi, la beauté est partout : dans les contours d’un nez épais, dans des oreilles décollées, dans des sourcils touffus, dans des aisselles fournies, dans un ventre rebondi sur lequel il ferait bon reposer sa tête, etc. Je me considère comme un artiste homoérotique qui a pour ambition de vous faire vivre une expérience multi sensorielle.
Tu as une exposition jusqu’au 13 juillet au Bear’s Den à Paris. Que raconte-elle ?
« Des Glaces pour toutes les Bouches, Des Bouches pour toutes les Glaces » est une exposition (prolongée jusqu’au 13 juillet) rafraîchissante et colorée ; elle est idéale pour l’été et célèbre avec gourmandise le Mois de Fiertés. A la fois ludique et mutine, elle représente des garçons en train de se délecter d’un plaisir glacé, presque régressif, rappelant que le désir est partout, même au bout du bâtonnet. On a tous le droit d’aimer les glaces que l’on veut, quelle que soit sa couleur, sa taille, sa forme… Il y en a pour tous les goûts et n’est-ce pas ça, finalement, porter haut sa fierté ? Derrière une apparence légère, j’ai voulu insuffler à nouveau un message d’ouverture et de bienveillance.
Comment trouves-tu tes modèles ? Travailles-tu sur photo ou bien, posent-ils ?
Je choisis essentiellement mes modèles à partir de photos de références trouvées sur internet et les réseaux sociaux. Même s’il peut m’arriver aujourd’hui de demander spontanément à des garçons rencontrés dans la vie s’ils accepteraient que je les dessine. Quand je travaille sur un portrait, je ressens une connexion avec le modèle, comme si nous passions un moment ensemble, comme si j’apprenais à le découvrir jusqu’à partager son intimité. Le dessin m’a permis de faire des rencontres incroyables. Certains modèles sont devenus des muses…
Tu suggères beaucoup dans tes dessins…
Certaines de mes pièces sont très explicites et conservent une part d’interprétation. Un de mes sujets de prédilection est par exemple la solo-sexualité. Puisque mon art voudrait vous inviter à vous aimer davantage dans votre unicité, le rapport à sa propre sensualité reste à mes yeux, fondamental.
Là encore, c’est plus l’expression sur les visages qui reste mon point de focus. La censure sur les réseaux demeure pourtant problématique. Je m’autocensure sur Instagram quand le sujet l’impose. C’est un jeu qu’il faut accepter. J’ai, par ailleurs, décidé d’ouvrir un compte Twitter en février 2021 afin de bénéficier de davantage de liberté sur mon contenu.
Il y a quelque chose de récurrent dans ton œuvre : les fluides ! Est-ce intentionnel ?
La vraie récurrence dans mon œuvre tourne autour de ma phrase d’accroche : « Beards, Sweat and Pits », qui se traduit par « Des Barbes, de la Sueur et des Aisselles ». Voilà trois éléments que l’on retrouvera dans mon travail : un, deux ou les trois en même temps. Oui, mes personnages sont toujours transpirants et exhibent leur pilosité, souvent sous les bras. C’est sans doute de là que vient l’aspect olfactif évoqué par certains et que je revendique. La sueur c’est la chaleur, l’expression d’une réaction physique et physiologique, d’une émotion.
Tu dessines presque tous les types de corps. Quels sont tes préférés et pourquoi ?
Pour être honnête, je privilégie les rondeurs. Je laisse à mes confrères le soin de dessiner les corps glabres et musclés qui hantent les papiers glacés. Je préfère la Marge, ceux qui dépassent et débordent du Cadre. L’homme que je vais croiser dans la rue, sur mon palier, au supermarché, me touchera toujours plus que celui qui scrute avec adoration ses muscles saillants dans le miroir de la salle de sport.
Moi, je dessine des formes, des ventres, des poils, partout. Les discriminations en tout genre et plus particulièrement sur le physique me révoltent et je suis fier d’avoir participé à l’exposition collective « Gros Est Beau » des Ours de Paris. Alors oui, j’ai à cœur de représenter la diversité parce que le monde est riche de nos singularités et j’espère que mes illustrations contribuent à nous rendre plus proches les uns des autres.
Quel est ton plus beau souvenir professionnel ?
S’il faut n’en choisir qu’un, ce sera la vente de mon premier tableau le soir du vernissage de « Gros Est Beau ». J’étais déjà fier de participer au combat contre la grossophobie en apportant ma pierre à l’édifice. Quand, quelques minutes après mon arrivée sur les lieux de l’exposition, j’ai entendu « On met un point rouge ! Frands c’est pour toi », je n’ai même pas compris ce que ça signifiait ! Puis on m’a confirmé que je venais de vendre mon illustration. J’ai eu du mal à réaliser ce qui venait de se passer. Ce vertige est gravé dans mon cœur et dans mes tripes.
As-tu des projets en cours ?
J’ai très récemment été approché par une revue très coquine pour collaborer à plusieurs de leurs numéros à venir et c’est très excitant. Certaines de mes prochaines illustrations seront donc construites dans le sens de leurs thématiques. Et pour le reste, je continue mon chemin pour ouvrir les regards avec des Barbes, de la Sueur et des Aisselles ! Le meilleur est à venir.