CinĂ© : “Feu Follet”, le prince qui aimait les pompiers
AprĂšs « O fantasma », « Mourir comme un homme » ou « LâOrnithologue », le Portugais JoĂŁo Pedro Rodrigues signe avec « Feu follet” une fantaisie musicale trĂšs homosexuĂ©e. Un des films les plus Ă©tranges, sĂ©duisants et queer du momentâŠ
2069. Le vieux roi se meurt. Mais avant de partir, il se souvient de son adolescence à notre époque, de sa révolte contre ses parents inconscients de la catastrophe qui s’annonce, de son engagement dans une compagnie de pompiers…
Pas besoin d’en dire beaucoup plus pour mesurer à quel point le nouveau film du très queer cinéaste portugais João Pedro Rodrigues ne sera pas un film réaliste. Pourtant, ce qu’il présente comme une “fantaisie musicale” — car ça chante et ça danse aussi dans ce conte écologique, politique et fortement sexué — n’en parle pas moins avec pertinence et drôlerie de notre monde et de ses crises multiples.
Plus que tout pourtant, Feu follet est un récit initiatique dans lequel le jeune prince Afonso va découvrir le plaisir. Et l’auteur de ce film incandescent qu’était déjà O fantasma (2000) ne se prive pas de ne rien en cacher, pour notre plus grand plaisir. Pas besoin de jouer avec les mots pour comprendre ce qu’Afonso apprend des beaux pompiers, ou ce que l’on peut deviner lorsque Rodrigues filme à l’envi des forêts qui sont des pinèdes…
C’est d’autant moins nécessaire que le cinéaste s’amuse sans cesse à faire résonner les deux obsessions de son héros — et de tout son film d’ailleurs : la nature et les phallus. On ne sait ainsi guère ce qui est le plus gorgé de sève ici, les arbres ou les sexes… Et lorsque Afonso énumère les plantes présentes dans son pays, ces plantes menacées par les flammes du changement climatique, ce sont des photos de sexes dressés qui apparaissent… Et qui peut éteindre ce feu, celui qui ronge le monde comme celui qui dévore de l’intérieur le jeune homme, sinon le corps (à tous les sens du terme) des pompiers ?
C’est ainsi que si Afonso découvre le désir en admirant les très érotiques postures que prennent les pompiers, nus, pour reconstituer des tableaux classiques et c’est entre les bras d’un bel instructeur qu’il découvre l’amour.
Film aussi bref (1h07 seulement) qu’inventif, aussi beau que fauché, Feu follet regorge de beaux garçons et d’idées de cinéma, alliant ainsi pour ses spectateurs les plaisirs les plus triviaux et sexys avec les plus intellectuels. Ce mélange, improbable mais réussi, des genres rend cet OVNI filmique irrésistiblement queer.