Todd Haynes, tout prĂšs du paradis queer
Depuis trente ans, Todd Haynes ne cesse dâinventer un cinĂ©ma queer nourri de rĂ©fĂ©rences et de dâaudaces, qui lui a valu notamment la Queer Palm Ă Cannes en 2015 pour le magnifique « Carol ». Ă partir du mercredi 10 mai, le Centre Pompidou lui rend un hommage mĂ©ritĂ© sous le titre « ChimĂšres amĂ©ricaines », avec ses films bien sĂ»r, mais aussi une masterclass et, en clĂŽture le 29 mai, lâavant-premiĂšre de son tout nouveau long mĂ©trage, « May December ».
Du pop, du glam, Jean Genet, Patricia Highsmith, Bowie, Rimbaud, du mélo, Oscar Wilde, des stars, des gays, des lesbiennes… et on en oublie tant le monde de Todd Haynes n’en finit pas d’arpenter les territoires les plus étourdissants de la culture queer. Pourtant, si son œuvre depuis trois décennies est si empreinte de la mémoire de ces artistes et de ces genres qui forment l’essence même de nos références communautaires, elle n’est jamais nostalgique. Bien au contraire. Tout en s’en inspirant, Todd Haynes n’a de cesse de les revisiter, de les malaxer à sa manière, de leur donner une modernité et une nouveauté stupéfiantes.
New Queer Cinema
Tourné en 1991, son premier long métrage, Poison, fait de Todd Haynes l’un des chefs de file de ce nouveau mouvement cinématographique que la critique américaine R. Ruby Rich va identifier comme étant le New Queer Cinema. Elle compte parmi ses autres membres rien moins que Gus Van Sant, Gregg Araki ou Rose Troche, autant dire certains des réalisateurs et réalisatrices les plus brillants de leur époque, qui vont révolutionner notamment les représentations de l’homosexualité.
Film en trois sketchs dont le second est un hommage direct au Chant d’amour de Jean Genet avec ses prisonniers travaillés par le désir, Poison est le prolongement virtuose des courts métrages d’un cinéaste à la gaytitude affirmée. Superstar : the Karen Carpenter story mettait en scène une poupée Barbie dans le rôle d’une chanteuse anorexique, Assassins se penchait sur la relation tumultueuse entre Rimbaud et Verlaine tandis que le héros de Dottie gets spanked est un gamin fasciné par une star de sitcom…
Hommages
Tout dans la suite de la carrière de Haynes ira dans le même sens, qu’il signe un hommage croisé à Ziggy/David Bowie et à Oscar Wilde (Velvet Goldmine), qu’il s’élance sur les traces du grand mélo fifties à la Douglas Sirk avec Loin du paradis et son père de famille vivant douloureusement dans l’ombre son homosexualité, qu’il déconstruise Bob Dylan en le faisant interpréter par cinq acteurs et une actrice dans I’m not there, ou qu’il offre, avec Carol, adapté de Patricia Highsmith, l’une des plus éblouissantes histoires d’amour entre deux femmes — les géniales Cate Blanchett et Rooney Mara.
C’est tout cela et bien plus encore que va mettre en lumière la rétrospective de Beaubourg, notamment cette manière dont Haynes est parti de la marge queer du cinéma américain pour peu à peu glisser vers des œuvres plus grand public telles Dark waters (un grand film politique sur la pollution industrielle) mais sans jamais se renier.
Précipitez-vous au Centre Pompidou, à la découverte d’un des auteurs majeurs du cinéma LGBTQI.