Qu’est-ce que le « situationship », la relation amoureuse sans prise de tête ?
Pour certains, c’est une relation de l’instant, sans projet, sans carcans affectifs. Pour d’autres, c’est une relation avant tout sexuelle, où les sentiments ne prennent qu’une part infime de l’interaction entre les deux partenaires. Et si c’était un peu des deux ?
On appelle le situationship une relation que les deux partenaires ne définissent pas : ce n’est pas de l’amour, ni de l’amitié. Il y a du sexe mais surtout pas d’engagement, ni de projets à longs termes. On ne parle pas de durée, d’intensité ou de perspective. On vit la relation au jour le jour. Ce sont les jeunes générations qui ont lancé le situationship, un peu en réaction à l’image du couple éculée de papa-maman, voire papa-papa !
Le terme vient de la contraction entre “relationship” (“relation” en anglais) et “situation” (qui peut renvoyer à un état instable ou problématique). C’est un peu le fameux “c’est compliqué” que l’on coche dans les statuts amoureux sur Facebook.
Certains sexologues cataloguent ce type de relation entre le fuck buddy et le BFF (Best Friend Forever). De l’extérieur, ça ressemble à une belle histoire d’amour (le romantisme en moins évidemment). Mais pour les deux garçons qui s’embarquent là-dedans, c’est beaucoup plus compliqué que ça. Ou beaucoup plus simple d’ailleurs. Pourquoi vouloir donner un nom qui souvent avec une connotation un peu ennuyeuse, à toutes les relations humaines ? Le situationship, c’est ça : ne pas vouloir nommer quelque chose qui existe vraiment, mais qu’on définit difficilement, souvent volontairement.
L’anti-couple
Dans une société où l’on swipe, like, follow tout le monde et n’importe qui, faire la différence entre ceux qui sont vraiment importants et les autres relève du casse-tête. Du coup, le situationship tombe à point nommé (si on peut se permettre). On est bien loin là de la définition du couple à la Disney. Ça peut même hérisser le poil de tous ceux qui croient au grand amour, au mariage unique…
Le situationship est arrivé aux Etats-Unis en même temps que le relationshopping (la volonté de collectionner les plans les uns derrière les autres sans s’engager). Les gays sont friands de ce type de relations. Et en même temps, ils découvrent cette possibilité nouvelle de la relation officielle avec les lois qui permettent, par exemple, le mariage entre personnes de même sexe. Et il y a tous les autres : ceux pour qui avoir le choix (de se marier) ne veut pas dire franchir le cap. C’est là souvent que le situationship entre en jeu.
Liberté avant tout
Ce que les aficionados de situationship aiment dans ce type de non-relation, c’est qu’elle maintient intacte la liberté de faire ce que bon leur semble. L’engagement est quelque chose de fort dans une relation affective. Mais elle peut aussi faire peur. Voire angoisser.
Le fait de ne pas nommer ou définir le lien qu’il y a entre deux garçons, protège, consciemment ou inconsciemment, cette liberté de jouir ou d’aimer. La communauté gay a toujours défendu cette liberté comme un acquis culturel lié à des siècles de discrimination : « Vous ne voulez pas qu’on s’aime ? Eh bien, nous allons nous aimer comme nous en avons envie. Et tant pis si ça vous choque. »
Le mantra de la liberté sexuelle n’est pas un mythe chez les gays. C’est presque une question de survie. Libre d’être et libre d’aimer… Ou pas. Le situationship est un peu un mode de fonctionnement qui souligne notre volonté inaliénable de ne pas suivre les codes.
Attention au double-tranchant !
Le situationship apporte, pour ceux qui le pratiquent, beaucoup d’avantages. Mais la liberté de ne pas définir une relation a aussi pas mal d’inconvénients.
Pour bien comprendre le coût de cette absence de statut affectif, il suffit de lister ce que la relation traditionnelle amoureuse, à savoir le couple, apporte : le soutien émotionnel (mais pas que), la possibilité de partager vraiment, la vision sur le long terme, et surtout le sentiment d’être officiellement aimé. Être en situationship, c’est faire une croix sur ces avantages de la vie en couple.
Certains le vivent très bien, d’autres auront la sensation d’être isolé, à part. Un peu comme quand on est invité à un dîner et qu’on est le seul célibataire. Et enfin, refuser l’engagement, fragilise de fait la relation. Il suffit d’un mot ou d’un geste pour y mettre fin, à deux ou seul…