Cinéma : Les acteurs et actrices LGBT sont-ils placardisés ?

Samedi 16 septembre, Muriel Robin fustigeait l’homophobie dans le cinéma et disait tout haut ce que l’on savait déjà tout bas. Oui, il est encore difficile (pour ne pas dire impossible) d’être un acteur.trice ouvertement out et de faire carrière sur le grand écran. Didier Roth-Bettoni, journaliste et historien du cinéma LGBT, revient sur ces propos qui ont fait couler beaucoup d’encre (parfois avec une lesbophobie latente) mais qui renferment surtout beaucoup de vérités…

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Je suis la seule actrice au monde à dire son homosexualité. (…) Citez-moi un acteur ou une actrice [homosexuels] qui fait une grande carrière, y’en a pas !” Tout le monde a vu ou lu les déclarations choc de Muriel Robin sur le plateau de Quelle époque, sur France 2. Et si bien sûr il y a une part d’exagération dans ces propos — on pourrait citer les noms de Adèle Haenel, de Ian McKellen ou de Luke Evans pour la contredire —, force est néanmoins de constater que la comédienne n’a pas tout à fait tort.

Pas forcément sur le fait que son homosexualité assumée lui ait coûté sa carrière cinématographique : après tout, elle n’a parlé publiquement que très tardivement de ses amours féminines, confiant même en 2018, “Je n’ai pas à me justifier de ma vie, d’avoir été avec un homme avant d’être avec Anne. Je dois être bisexuelle, c’est pour cela que je n’ai jamais fait de coming-out. C’est ma normalité”. Mais bien sur la réalité que ça n’a jamais été simple d’être gay dans le monde merveilleux du cinéma.

Placard arrangé

On ne va pas faire ici la liste de tous ceux qui ont dû se cacher derrière des mariages arrangés pour briller au firmament d’Hollywood, de Cary Grant à Rock Hudson, mais elle serait impressionnante. Ceux qui se sont risqués à en parler dans les décennies passées disent l’avoir payé le prix fort, à l’image d’un Rupert Everett qui a fait son coming out au début des années 1990 et a été cantonné aux rôles du bon pote homo.

Idem pour le cinéma français, où la carrière virevoltante d’un Jean Marais — dont pas grand monde n’ignorait la relation intime avec Jean Cocteau sans pour autant y voir de l’homosexualité (quoi, alors ?) — tient de l’exception miraculeuse au milieu de tant de destins de séducteurs restés dans leur placard pour ne pas compromettre leur image d’hommes à femmes à l’écran, que ce soit Jean-Claude Pascal, Luis Mariano ou des comédiens plus contemporains mais qui n’osent pas plus se dévoiler alors que leur homosexualité est un secret de Polichinelle dans le métier. Tout au plus, certains ont évoqué (tardivement) leur bisexualité à l’instar de Lambert Wilson ou de Jean-Claude Brialy…

Un pavé dans la mare

Dire qu’on est homo apparaît donc toujours, aux yeux de tous ceux-là, comme dangereux, comme une épée de Damoclès planant sur les rôles qu’ils convoitent. De même qu’accepter des rôles d’homos continue d’apparaître périlleux pour de nombreux acteurs craignant, à tort ou à raison, d’être assimilés à ce qu’ils incarnent… Muriel Robin n’a donc pas tort de pointer une forme d’homophobie régnant dans le milieu cinématographique, d’autant plus forte et insidieuse qu’elle semble venir de tous les bouts de la chaîne : des producteurs et des réalisateurs qui redoutent les conséquences financières encourues s’ils choisissent d’engager des comédiens LGBT ; du public qui serait réticent à voir des homos jouer des rôles d’hétéros ; mais aussi des acteurs eux-mêmes, effrayés des contrecoups possibles du coming out.

Les choses évoluent

Heureusement, ce tableau un peu désespérant semble se fissurer grâce à de nouvelles générations qui hésitent beaucoup moins à sauter le pas et à parler de leur homosexualité, de leur bisexualité, de leur pansexualité, de leur transidentité ou de leur non-binarité. De Vincent Dedienne à Elliot Page, de Jonas Ben Ahmed à Matt Bomer et tant d’autres, les choses bougent enfin. Un constat partagés par Geoffret Couët, révélé dans Théo & Hugo dans le même bateau de Ducastel & Martineau et dans Les Crevettes pailletées de Cédric Le Gallo : “J’ai longtemps caché que j’étais homosexuel. Depuis que je m’assume, je suis plus épanoui et cela m’aide à jouer des personnages loin de moi. (…) La société change, on le voit par exemple avec le succès de l’émission Drag Race… Les queers ont un terrain à conquérir. On n’a pas à s’excuser d’être là” explique-t-il au Parisien.

Le chemin reste long, il ne sera à l’évidence pas facile, il y aura des accidents de parcours, mais on peut espérer que bientôt, être LGBT ne sera plus un problème pour devenir une star…

Tu en veux encore ?