Que vaut “Molière”, le nouveau spectacle musical au Dôme de Paris ?
Après le Roi Soleil et Mozart, c’est une autre grande figure historique qui est au coeur du nouveau spectacle musical de Dove Attia : Jean-Baptiste Poquelin dit Molière. Nous avons assisté à l’une des premières représentations.Voici notre verdict.
C’est en voyant Hamilton à Broadway, comédie musicale slammée de Lin-Manuel Miranda, que Dove Attia, le producteur du Roi Soleil et de Mozart, l’opéra rock, a eu envie de reprendre du service. De là est née l’idée de ce spectacle aux sonorités urbaines autour de la vie de Molière. La promesse était plutôt sympathique : rendre accessible aux jeunes générations une figure littéraire historique avec une forme moderne tout en renouvelant le spectacle musical “à la française” en s’inspirant du meilleur de Broadway.
Malheureusement, malgré un tableau d’ouverture ultra prometteur, la sauce ne prend pas complètement. Car là où Hamilton assumait son parti-pris musical jusqu’au bout et proposait un vrai point de vue original sur son sujet, Molière rate le coche faute d’une écriture suffisamment rigoureuse et de cohérence dans les chansons. On ne remet pas en cause le talent de Dove Attia à produire des tubes. Mais il ne suffit pas de donner une couleur rap à un arrangement ou de mettre un peu de verlan dans les paroles pour être crédible. Il aurait fallu aller plus loin, jouer le jeu à fond, quitte à être moins commercial et prendre le risque de dérouter le grand public.
Pour ce qui est du livret (très dense), on peut là encore avoir quelques réserves. Les événements défilent de manière chronologique sans vrai travail sur la narration ni mise en perspective. Du coup, on reste assez extérieur à l’action (surtout dans la première partie) et les personnages n’ont pas toujours la substance qu’ils mériteraient. Paradoxalement, ce sont les figures secondaires qui finissent par prendre le dessus à l’image de Marquise (Shaina) et du duc de Conti (Abi), le “méchant” de l’histoire.
C’est d’autant plus frustrant que le production est au demeurant très qualitative et plutôt novatrice pour ce genre de spectacle. Épaulé d’Emmanuelle Favre à la scéno (elle a collaboré avec Thomas Jolly sur Starmania), Ladislas Chollat propose une mise en scène qui joue sur des structures modulables rappelant les tréteaux de théâtre. C’est sobre, efficace et réussi et cela donne lieux à de multiples tableaux qui fourmillent de détails. Les chorégraphies vivifiantes de Romain RB (Stories) finissent d’agrémenter des numéros visuellement percutants.
Dans le rôle-titre, on retrouve Petitom, artiste canadien qui a repris le rôle titre lorsque Lonepsi, dans un premier temps pressenti, s’est désintéressé du projet. Le chanteur étonne aussi bien par ses prouesses vocales que par sa capacité à enchaîner culbutes et acrobaties avec naturel. Il est clairement l’une des révélation du show. Le casting, à ses côtés, est tout aussi solide, composé en majorité de transfuges de The Voice. Mention spéciale également à David Alexis, habitué du théâtre musical (c’est lui qui jouait Bernadette dans la production française de Priscilla, Folle du désert), excellent dans deux rôles pourtant aux antipodes.
Alors oui, pour peu qu’on s’affranchisse du récit, ce Molière n’est pas désagréable à regarder. Mais à trop hésiter entre l’audace et le “grand public” (le sous-titre “l’opéra urbain” a d’ailleurs été remplacé par “le spectacle musical”), le divertissement nous laisse quand même sur la faim…