Témoignages : “Je cherche un mec fidèle (et c’est pas simple)”
Ils veulent un couple classique et ne croisent que des garçons qui rêvent de couple libre. Comment faire pour vivre son rêve, faut-il renoncer à son idéal ? Nos témoins, qui naviguent entre déceptions et espoirs, nous racontent.
Jérôme a 38 ans. Il a vécu 10 ans en couple et il cherche une belle histoire apaisée : « Quelqu’un pour qui j’ai un vrai coup de cœur, un minimum de goûts communs, et surtout la même vision du couple. » C’est-à-dire, chéri ? « Je veux être VRAIMENT en couple, je ne cherche pas un plan cul une fois de temps en temps. L’homme que j’aime, je veux le voir tous les jours, garder le désir, ne pas le partager avec toute la ville. »
Est-ce de la jalousie ? « Je ne pense pas être plus jaloux qu’un autre, mais le modèle du couple exclusif, c’est ce que je souhaite et j’ai l’impression que je suis presque le seul. Tous me disent qu’ils veulent une histoire longue, qu’ils rêvent de s’engager. Mais dans la vie réelle, ils restent sur les applis parce qu’ils ont envie de croiser le coup du siècle ou de se taper le mec du jour croisé à la gym. »
Jérôme a tout entendu : on lui a dit qu’il était bloqué, ringard et même « ancien monde ». Ce joli brun n’a rien d’un coincé, il a fait, dans la joie, des plans à trois avec son ex-mari : « Si je suis présent, pas de problème. » Mais pas de question de changer de vision pour être dans l’air du temps. Le polyamour, il trouve ça bien pour les autres, son envie n’est pas celle-là.
Ce qui le fait le plus souffrir, ça n’est pas la difficulté à dénicher un compagnon potentiel, « ça n’est simple pour personne ». Il est plus accusateur avec les doubles discours des mecs de sa génération : « Le portrait-type, c’est celui qui prétend désirer plus que tout un couple exclusif, qui insiste sur cette question dans son profil. Au début, on paraît en accord. Et puis il change d’avis au bout de trois semaines, même quand ça se passe bien, accro à la soi-disant nouveauté. »
Le syndrome FOMO
C’est quoi ce truc, un nouveau modèle de sextoy ? Pas du tout, le sigle anglais signifie « fear of missing out » et peut se traduire par « la peur de rater quelque chose ». Le terme désigne la connexion permanente aux sites d’information en ligne. La notion s’est étendue aux réseaux sociaux (on voit des gens allumer leur portable en pleine séance de cinéma) et aux applis de rencontre. Rester connecté donne le sentiment d’être à l’affût, toujours prêt, dans le coup.
Ismael, 32 ans, affirme que tous ses potes, même ceux qui n’ont pas le temps de faire des rencontres ou ne sont pas libres, sont présents sur deux ou trois applis. « Un peu comme s’ils voulaient étudier le marché pour un meilleur parti ou vérifier qu’ils plaisent. » Quand il indique chercher un chéri et rien qu’un seul, il tombe souvent sur des gars prétendus libres : « Un peu comme mes copines hétéros qui tombent sur des mecs pas divorcés, le mec ne peut pas recevoir et te trouve 100 raisons pour ne pas dire qu’il a un mec à la maison. Les travaux, le chien, la mère de passage aussi, elle revient beaucoup celle-là… »
Lui aussi, il veut un mari fidèle, qu’il a trouvé : « Je connais des couples de garçons fidèles très heureux, je sais que ça existe. » Une méthode ? « J’avais établi ma stratégie : un rendez-vous chez lui dès le deuxième rendez-vous, pas de sexe le premier soir et quelques questions sur ses anciennes histoires, pour voir si elles étaient terminées dans sa tête. Assez vite, je demande à rencontrer ses amis, pour voir si ce qu’il raconte de lui est construit ou si ça cadre avec ce qu’ils en disent. » Il observe aussi : est-ce que le fiancé mate tout ce qui passe, prend-t-il le temps de prolonger l’échange sans se soucier de l’heure ? À sa façon, il enquête avant de s’engager. Son conseil ? « Emmenez un mec à une soirée gay où ça danse torse nu, vous verrez s’il est en chasse ou s’il reste centré sur vous, on repère très vite un type qui ne renonce à rien, on sent l’amoureux déjà ému, qui se projette avec vous. »
A-t-il changé sa façon de chercher ? « Oui, j’explique que je ne suis pas un type qui va fliquer, fouiller son portable ou le suivre avec un traceur. Je veux juste être détendu, ne pas avoir à le retrouver dans le hammam de l’hôtel, genoux baissés et la bouche pleine, comme ça m’est arrivé en vacances il y a 3 ans, avec un ex. Il y a tant de choses à explorer à deux, je ne vois pas ça comme une limite, mais un projet de partage, une intimité haute qualité, avec des surprises. »
Les rôles, avec son nouveau chéri, sont moins figés, ils visionnent des films X ensemble, leurs pratiques évoluent. Ils ne s’interdisent pas, un jour, d’inviter un inconnu si l’envie survient. Est-il satisfait ? « Oui, totalement, je pense à lui, je cherche à lui faire plaisir, mon existence ne tourne pas qu’autour de lui, mais il m’est essentiel, il le sait, il le sent, il se sent aimé comme je le suis, sans chercher le prochain plan. »