“Matthias et Maxime”, le dernier Xavier Dolan, est disponible en VOD
En dix ans, depuis quâon lâa dĂ©couvert avec le sidĂ©rant « Jâai tuĂ© ma mĂšre », Xavier Dolan est devenu le plus vibrant cinĂ©aste de la jeunesse, une icĂŽne pour nombre de spectateurs gays, quelquâun dont on attend chaque film avec passion. Avec « Matthias et Maxime », portrait de deux amis saisis par le doute sur leurs sentiments, le jeune prodige nous livre un rĂ©cit en permanence sur le fil⊠Le film vient de sortir en DVD et VOD.
Par Didier Roth-Bettoni
Lors d’une soirée entre potes où fusent les blagues pas toujours très fines auxquelles le québecois, accent et expressions comprises, donne une saveur particulière, une apprentie cinéaste, sœur d’un des convives, recrute deux garçons pour jouer dans son court métrage. A la suite d’un pari raté, le sort désigne Matthias et Maxime, deux copains de toujours, inséparables depuis l’enfance. Ce qu’ils doivent faire ? S’embrasser. Après quelques hésitations de Matthias, ils se lancent et échangent un baiser aussi tendre que fugace…
Ce n’est presque rien en apparence. Juste un instant capté par la caméra, à peine plus qu’une blague supplémentaire, un jeu aussitôt joué aussitôt oublié. C’est pourtant un point de bascule. Après cette première partie bruyante, joyeuse et potache, le film change de nature et semble gagné par une sorte de mélancolie, de malaise, de mal-être plutôt, celui de Matthias notamment qui contamine les autres. Le groupe si soudé peu à peu se dissout. L’insouciance de la jeunesse n’est plus de mise…
Les équilibristes
On mesure à quel point ce qui sous-tend Matthias et Maxime est fragile, à quel point Xavier Dolan fait ici un exercice risqué d’équilibriste, à quel point son film est en permanence sur un fil : d’un côté l’amitié et de l’autre l’amour, d’un côté l’adolescence prolongée et de l’autre l’âge adulte, d’un côté la bande, de l’autre les individus, d’un côté la fiction (le court métrage qui déclenche tout) de l’autre ses conséquences sur la réalité…
Sur le papier, cette manière de cheminer sur la frontière des genres est très séduisante. Dans les faits pourtant, Xavier Dolan ne parvient pas toujours à tenir l’équilibre. Il glisse et tombe dans certains des pièges qu’il a lui-même posés et son film paraît plus proche de l’esquisse que de l’œuvre réellement aboutie. On y retrouve, moins maîtrisées que souvent chez le jeune cinéaste, certaines de ses figures de style habituelles qui ressemblent ici à des tics, à des redites ou à des facilités.
Juste un baiser
C’est dommage, car évidemment Dolan reste Dolan : un formidable découvreur d’acteurs – l’excellent et sexy Gabriel D’Almeida Freitas, qui interprète Matthias –, un auteur à la sensibilité exacerbée qui sait comme personne faire surgir, en un instant, la douleur d’un personnage (le moment bouleversant où l’on comprend l’importance de la tache de vin qui marque le visage du Maxime que joue Dolan), un passionnant explorateur des sentiments et des désirs les plus intimes…
Film attachant et bancal, Matthias et Maxime ne restera sans doute pas comme l’un des plus marquants de son réalisateur, comme ont pu l’être Laurence Anyways ou Mommy. Peut-être apparaîtra-t-il cependant, avec le recul, quand on aura découvert ce que la carrière de Dolan nous réserve à l’avenir, comme un film de transition, un film en équilibre instable entre le Dolan d’hier et celui de demain.
A suivre donc…