Fred Colby : “Je suis séropositif et je ne veux plus qu’on me demande si je suis « clean »”.

Fred Colby est blogueur et activiste dans la lutte contre le VIH. Pour Jock, il revient sur son parcours de mec « séropo et clean » comme il aime se définir en pied de nez à la sérophobie ordinaire.

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“Je m’appelle Fred, j’ai 38 ans et il y a 10 ans j’ai été dépisté séropositif au VIH. Je ne vais pas mentir l’annonce a été un choc et les deux premières années très difficiles. A l’époque j’avais peu d’informations sur le VIH/sida. Peu confiance en moi aussi.

Je me souviens en 2010 avoir rencontré un garçon qui me plaisait beaucoup dans un sauna gay parisien. On s’embrasse longuement dans la piscine, il me propose d’aller chez lui en banlieue. Arrivés dans sa chambre on se déshabille, on s’embrasse et au moment de passer à l’acte il me sort de but en blanc « t’es clean ? ». Je réponds un peu gêné que je suis séropo sous traitement. Il se liquéfie et fait un geste de recul.

Je m’appelle Fred, j’ai 38 ans et il y a 10 ans j’ai été dépisté séropositif au VIH. Je ne vais pas mentir l’annonce a été un choc et les deux premières années très difficiles. A l’époque j’avais peu d’informations sur le VIH/sida. Peu confiance en moi aussi.

J’essaye de le rassurer en lui disant qu’il suffit qu’on utilise un préservatif mais il refuse. Je lui dis que c’est pas grave et qu’on peut juste passer la nuit ensemble sans faire de sexe. Il me dit qu’il préfère me ramener à la gare RER près de chez lui. Ainsi je me retrouve à minuit sous la pluie à attendre un RER pour rentrer chez moi. Un grand moment de solitude et vraiment l’impression d’être un pestiféré… 

Photo de Dominique Thiéry

Dix ans plus tard, j’ai fait du chemin et je vais beaucoup mieux heureusement. 

En 2011 j’ai rejoint l’association Aides ce qui m’a permis de devenir un peu expert du VIH et de transformer cette épreuve en force. En 2012 j’ai découvert chez Aides (et non pas par mon infectiologue de l’époque) que grâce à mon traitement je ne pouvais pas transmettre le VIH. C’est ce qu’on appelle le TasP (traitement comme prévention) et j’ai décidé d’en faire mon cheval de bataille car en tant que séropo c’est une révolution de savoir qu’on contrôle le virus.

En 2013 j’ai rencontré mon homme à une soirée chez Aides et j’ai commencé à animer des groupes de paroles pour des personnes qui vivent avec le VIH. En 2016 j’ai décidé de parler de ma séropositivité publiquement et à visage découvert. D’abord sur Twitter, puis dans différents médias. En 2018 j’ai lancé un blog militant pour lutter contre la sérophobie (peur et/ou rejet des personnes vivant avec le VIH) suivi en 2019 du site Parcours Positif destiné aux personnes qui découvrent leur séropositivité. Enfin j’ai lancé le mois dernier avec mon ami Julien un compte Instagram destiné à dénoncer et déconstruire la sérophobie sur les applis de dragues gay.

Avant pour rire, quand me posait cette question, je répondais : « oui je suis propre je sors de la douche ! ». Aujourd’hui, j’essaie de faire de la pédagogie.

Tout ce travail de visibilité et de plaidoyer je le fais avant tout pour celles et ceux qui ne peuvent pas parler à visage découvert à cause d’une pression familiale, sociale et/ou professionnelle.Je n’arrive pas à croire qu’en 2020 sur une appli gay on puisse encore demander à un partenaire potentiel s’il est « clean ». C’est un terme hyper discriminant qui veut dire « propre » et qui sous-entend que les personnes vivant avec le VIH seraient sales…

Avant pour rire, quand me posait cette question, je répondais : « oui je suis propre je sors de la douche ! ». Aujourd’hui, j’essaie de faire de la pédagogie. Les mots ont un sens et peuvent blesser. Mais surtout cette question est absurde. En réalité, il est plus « safe » d’avoir un rapport sexuel avec un séropositif dépisté et traité qu’avec un séronégatif qui ne se fait pas dépister régulièrement et ignore peut-être sa séropositivité. C’est ce qu’on appelle l’épidémie non diagnostiquée (estimée à 24 000 personnes en France). De plus la réponse reste du déclaratif. Peut être que la personne ne sera pas à l’aise pour parler de son statut sérologique à un inconnu par peur d’être rejetée…

Photo de Franck Desbordes

Alors comment poser cette question me direz-vous ? 

J’ai envie de répondre : est-ce que cette information est vraiment utile dans le cadre d’un plan cul ? Pas à partir du moment où vous prévoyez votre outil de protection (préservatif et/ou PrEP) AVANT le rapport.

Si vous avez vraiment besoin de cette information, vous pouvez simplement demander à la personne où elle en est dans ses dépistages ou bien à quand remonte son dernier dépistage. Cela permet d’englober la question du VIH avec celle des IST et de la santé sexuelle en général. C’est également le moment propice pour parler prévention et choisir ensemble l’outil le plus adapté à vos envies et vos besoins.

Personnellement j’ai décidé d’afficher « séropo indétectable » sur mes profils. Cela m’évite des remarques déplacées ou sérophobes. Soyons bienveillants et respectueux dans nos échanges. La sérophobie comme toutes les phobies vient de l’ignorance. Alors informez-vous, éduquez-vous. Et dépistez-vous ! Si vous avez plusieurs partenaires, un dépistage VIH + IST tous les 3 mois est une bonne habitude à prendre. On ne le répètera jamais assez VIH INDETECTABLE = ZÉRO TRANSMISSION.

Donc si vous me croisez sur une appli ou sur un lieu de drague gay, svp, ne me demandez plus si je suis « clean ». 

Merci.”

Fred Colby

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