Pourquoi Mart Crowley a révolutionné le théâtre gay avec “Les Garçons de la bande”
Avec sa pièce « Les Garçons de la bande » (« The Boys in the Band » en VO), Mart Crowley a bouleversé les représentations des gays sur les scènes américaines un an avant Stonewall. Adaptée au cinéma en 1970 par William Friedkin, un remake vient d’être produit pour Netflix. Le dramaturge, lui, est mort samedi à l’âge de 84 ans.
Matt Bomer, Zachary Quinto, Jim Parsons, Charlie Carver… A l’instar de leurs personnages dans The Boys in the Band, les stars de la version Netflix du texte de Mart Crowley sont tous gays. Actuellement en post-production, ce film produit par Ryan Murphy reprend la distribution de la reprise de la pièce à Broadway en 2018. Il confirme ainsi son statut de spectacle culte et de jalon dans la culture homosexuelle.
Lorsqu’il écrit cette pièce en 1968, Mart Crowley n’est personne. Il travaille un peu dans la production pour la télévision, vaguement pour le cinéma. Lorsqu’il lit un article où un critique réputé reproche aux auteurs homosexuels de ne jamais vraiment parler de leur vie gay dans leurs spectacles, Crowley a comme un déclic.
Les Garçons de la bande sera sa réponse à ce défi. Et quelle réponse ! Deux ans et plus de mille représentations triomphales à Broadway pour une œuvre dont tous les personnages (sauf un) sont homos : une petite révolution dans le contexte américain d’alors, et pas seulement dans le milieu théâtral. On est un an avant ce moment de bascule dans l’histoire militante LGBT que constituent les émeutes de Stonewall, et les représentations des gays et des lesbiennes à l’écran et sur scène sont aussi rares que caricaturales.
La pièce de Crowley se joue de ces clichés et montre une large palette d’homosexuels en tous genres réunis à l’occasion d’un anniversaire dans un appartement new- yorkais, un soir d’orage .
Comédie cruelle à l’humour férocement camp, The Boys in the band n’est certes pas exempte de nombreuses notations sur la difficulté (voire la douleur) d’être gay partagée par la plupart des personnages (ah, le singulier jeu de la vérité où chacun est incité à téléphoner à quelqu’un pour lui déclarer son amour), cet aspect (décrié à l’époque par plusieurs activistes du mouvement gay émergent) est plus que compensé par la manière dont la pièce puis le film qu’en tire très fidèlement William Friedkin dès 1970 savent s’affranchir des stéréotypes, proposant des profils, des modes de vie, des situations sociales extrêmement variés.
Après ce triomphe aussi inattendu que mérité, Crowley va avoir du mal à rebondir. S’il continue à écrire des pièces, aucune ne rencontre un tel écho. Il collabore à des téléfilms et surtout à une série kitsch et inoubliable, L’Amour du risque, par amitié pour son interprète principal, Robert Wagner.
Lorsque le metteur en scène Joe Mantello décide de reprendre The Boys… sur scène, Crowley participe à l’aventure, de même qu’il supervise le script de l’adaptation pour Netflix qu’on devrait découvrir dans les mois qui viennent.
Mart Crowley restera comme l’auteur d’une seule pièce, mais une pièce qui n’en finit pas de résonner dans la culture gay. Il est mort samedi 7 mars des suites de problèmes cardiaques. Il avait 84 ans.