Olivier Robert (Le SNEG) : “Je crains moins la fermeture des saunas que la fermeture des bars”
Le 14 août dernier, Paris et les Bouches du Rhône ont été à nouveau classées en zone rouge, c’est à dire en zone de circulation active du virus. Quelles conséquences pour les établissements gay? Nous avons posé la question à Olivier Robert, président du Syndicat national des entreprises gaies et propriétaire du bar Le Labo.
Quelle est la situation pour les établissements adhérents du SNEG ?
On a rouvert le 2 juin avec les mesures barrière. On les connaît particulièrement bien: le gel, le masque, etc. La seule difficulté que l’on rencontre absolument partout, c’est la distanciation sociale. On ne va pas se leurrer, elle est impossible à respecter, aussi bien dans mes établissements que dans ceux du Sneg ou ceux de toute la France. Dans des bars, des bars à ambiance ou des clubs, c’est super difficile à respecter. Sur tout le reste on est bons, pour ça, c’est compliqué.
Vous qui êtes propriétaire du bar The Labo, à Paris, comment ça se passe au quotidien ?
Quand j’ouvre à 15h, les gens sont bien à un mètre de distance. À 15h15 on n’y est plus. Bien sûr on applique le gel en rentrant, on applique la procédure du masque pour aller aux toilettes ou quand on se lève. Je n’ai pas de position debout, je n’ai pas repris les spectacles pour ne pas envenimer les choses. Mais la distanciation est quasi impossible à faire respecter. C’est vrai que les clusters ont commencé à augmenter. On avait une réunion à la mairie de Paris hier. Ils nous disaient que sur trente clusters répertoriés à Paris, huit sont des bars restaurants (quatre restaurants et quatre bars), donc ce n’est pas non plus énorme. Le plus gros des contaminations se fait dans les entreprises.
Paris étant repassée en zone rouge, y a-t-il des choses à craindre pour les établissements ?
Je ne vais pas vous le cacher: oui, il y a des choses à craindre. La volonté du préfet serait apparemment de ne pas tout refermer, mais nous avons toujours cette épée de Damoclès au dessus de la tête. La demande de la Préfecture serait aujourd’hui de pouvoir répertorier les gens, afin d’avoir une traçabilité. C’est pour ça que nous allons mettre dans les établissements des registres avec le nom, le prénom, le numéro de téléphone, pour pouvoir suivre les clients qui se sont rendus dans nos établissements. Ça, c’est une des premières mesures qu’ils veulent que nous mettions en place à partir de la semaine prochaine.
Ce serait facultatif ?
Ce serait complètement facultatif. On ne peut pas l’imposer, surtout dans des établissements comme les nôtres. Mais cela ferait une traçabilité possible s’il y avait un cluster.
Et pour la rentrée, comment ça va se passer ?
Ce qui me fait peur pour la rentrée, c’est que tous ceux qui ont été contaminés en France et un peu partout en Europe vont revenir à Paris et que la situation se détériore. Ce qu’il ne faudrait pas ce serait la fermeture des établissements, parce que ça serait une grosse perte financière. Si on bénéficie encore du chômage partiel, qu’on nous paie nos loyers et nos charges fixes, demain je referme, ce n’est pas un souci. Mais je ne suis pas sûr que ça se passe comme ça. La difficulté serait une refermeture suite à un confinement ou alors une diminution des horaires qui serait impossible pour nos établissements. Si demain on devait fermer à 22h ou à minuit, c’est la mort assurée, surtout que dans cette configuration on n’aurait pas d’aides, encore moins d’aides sociales.
Y a-t-il des établissements plus à risque que d’autres? Je pense aux saunas, par exemple…
Les saunas à la limite sont moins à risque que nous, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Je trouve que la prévention dans un établissement comme IDM par exemple est super bien faite. Les gens respectent beaucoup plus le masque. Ils le gardent dans les couloirs, il y a même un jeu de séduction grâce au masque. Ils l’enlèvent dans les cabines mais après, c’est la responsabilité de chacun.
Donc vous ne craignez pas la fermeture des saunas dans l’immédiat.
Je crains moins la fermeture des saunas que la fermeture des bars.
Le Sneg s’implique beaucoup pour la réouverture des discothèques ou des établissements qui accueillent des soirées. Où en est-on?
Vous avez vu que 15 000 euros ont été donnés aux établissements sur trois mois. Sauf que 15 000 euros à Paris et 15 000 euros au fin fond du Cantal, ça ne fait pas la même somme. Mais la mesure est la même sur toute la France. De la même façon, quand on lit le décret: pour avoir les 15 000 euros, il ne faut pas avoir d’antécédent fiscal, etc. Donc les 15 000 euros finissent vite en peau de chagrin. C’est encore une bataille qu’on va devoir mener à la rentrée…
Certains établissements emblématiques aux Etats-Unis comme le Therapy à New York ou le Flaming Saddles à Los Angeles ont annoncé qu’ils fermaient leurs portes. Des établissements français vont-ils suivre le même chemin?
Pour l’instant, comme les discothèques sont fermées, difficile de savoir. Nous adhérents nous disent qu’ils sont encore dans l’incertitude. A mon avis, nous allons avoir des difficultés en septembre. Il ne faut pas oublier non plus que les charges ont été reportées et qu’elles ne sont pas annulées. On a eu aussi un report de loyers pour certains. Mais ces deux facteurs ne sont pas du tout annulés. Au mois de septembre, quand il va falloir payer pour le loyer d’octobre et tous les loyers qui n’ont pas été payés depuis avril, ça va être chaud. Pour l’instant, beaucoup sont encore en vacances. Mais à mon avis, la rentrée va poser des difficultés énormes.