Photos : Les garçons de Marc Turlan
Que ce soit Ă Paris ou sur son Ăźle mĂ©diterranĂ©enne, Marc Turlan cherche, dans ses photographies, Ă retrouver la puretĂ© originelle du corps masculin. Il revendique Ă travers ses nus, une forme de rĂ©sistance face aux nouvelles normes imposĂ©esâŠ
D’où viennent tes inspirations ?
Je ne crois pas à l’inspiration, je crois au travail. Le travail artistique, ce sont des approximations successives. On veut s’approcher de quelque chose qui s’éloigne à mesure que l’on croit le saisir.
Certains de tes modèles semblent tout droit sorti de l’iconographie gay des années 70 (moustache Al Parker, bandanas, coupes de cheveux…). Est-ce volontaire ? As-tu un rapport particulier avec cette époque ?
Je photographie mes modèles comme ils sont le jour où ils viennent … Je ne touche pas à leur « aspect » du moment… Donc se sont eux qui viennent avec leur iconographie personnelle. Sans jamais être nostalgique, j’observe les styles des époques et l’esprit « gypsie » des années 1970 me plait beaucoup.
Je retrouve d’ailleurs cet esprit, l’été, sur l’île du Levant, lorsque nous organisons notre festival NU2 et nos défilés de « minimums » qui me font basculer dans des temps éloignés mais pour autant ultra contemporains. Les magazines des années 70 me plaisent aussi beaucoup. Surtout le graphisme, l’imagerie, la liberté.
Tu aimes la nudité, c’est clair… Tes modèles posent souvent nus. Qu’est-ce-que ça raconte pour toi ?
J’ai toujours aimé la photo de nus. Mais d’une façon plus générale, j’aime la représentation du corps et ce, même dans la sculpture ou les mosaïques de l’antiquité (j’ai étudié la mosaïque romaine et ses techniques).
Ça souligne aussi l’impossibilité progressive de pouvoir montrer un corps nu, avec une influence absurde de réseaux sociaux qui décident à la place des artistes ce qui peut être montré. Faire des photos de nus est un acte de résistance. Pour l’instant, on peut encore montrer des fesses alors que je photographie beaucoup de sexes.
Sur ton site, on découvre d’autres palettes de ton travail : collage, textes, sculpture… Quel est le lien entre toutes ces façons de t’exprimer ?
Je ne me pose pas la question du lien. Je cherche seulement la meilleure méthode pour figurer une idée. Je pratique le collage de façon récurrente. Les liens sont de l’ordre du désir, de la représentation du désir, de l’érotisme.
Souvent, sur tes photographies, les visages sont coupés, hachés, dissimulés. Seuls les yeux sont intacts… Y a-t-il une raison à cela ?
J’aime les masques, de ma toute première exposition où je fabriquais des masques en résine que je vissais sur des magazines aux photos plus récentes où le modèle fabrique ses propres masques. C’est une façon de détourner l’attention du spectateur… L’homme masqué en érection : il y a le regard, il y a l’érection.
Quel est ton plus beau souvenir de photographie ?
Je suis très inquiet quand je photographie. Mais c’est aussi une intense joie ludique : essayer d’inventer une image. Un souvenir récent : cet été, sur l’île du Levant. J’ai rencontré un jeune auteur, Simon Johannin, et presque instantanément j’ai su que je voulais le photographier.
Je lui avais donné des images religieuses en référence et lui m’a offert son premier roman et parlé de son futur recueil de poésie. Nous avons fait la série de nus le lendemain matin avec une joie et une intensité rares. Je ne savais pas que j’allais utiliser ces images pour ma prochaine exposition, imprimées sur tissu, peintes et brodées de sa poésie. Une rencontre globale.
Tu as des projets ?
J’ai deux expositions, repoussées pour l’instant, à Paris et Caen.