« The Normal Heart » : la pièce culte sur les débuts du sida de retour au Théâtre La Bruyère
« The Normal Heart », la pièce de Larry Kramer, le fondateur d’Act Up, est surtout connue chez nous depuis son adaptation télé en 2014 par Ryan Murphy. Mark Ruffalo y jouait le rôle principal. 36 ans après sa création (le texte date de 1985), “The Normal Heart” est enfin jouée en France dans une mise en scène très intense. Après son succès au Théâtre du Rond-Point à l’automne dernier, elle revient à partir du 20 janvier 2022 au Théâtre La Bruyère.
The Normal Heart est désormais un classique du théâtre américain et ce, bien avant l’adaptation TV à succès avec Mark Ruffalo, Julia Roberts ou encore Matt Bomer (récompensé par un Golden Globe). Au théâtre, le texte a été joué par Brad Davis (l’acteur de Midnight Express, mort du sida), Martin Sheen ou encore Richard Dreyfuss… Cette pièce, qui raconte les débuts du sida et de l’activisme autour de l’inaction du gouvernement américain et de la ville de New York, est une véritable œuvre patrimoniale pour la communauté LGBT. The Normal Heart est représentée pour la première fois en France au Théâtre du Rond-Point en septembre 2021. Le succès est tel qu’elle est prolongée au Théâtre La Bruyère à partir du 20 janvier 2022.
Première en France
On aurait pu croire qu’une telle pièce aurait été adaptée de nombreuses fois en France. Ça n’a jamais été le cas et c’est Virginie de Clausade qui s’y lance. Avec talent. La pièce devait être présentée en décembre 2020 pour le 1er décembre. La pandémie et son virus ont eu raison, cyniquement, des représentations. On connaît la metteuse en scène pour ses ouvrages : elle est l’auteure du livre De bruit et de fureur, sorti en 2018 chez Plon, qui narre les dernières années de Thierry Le Luron. Même si Larry Kramer a validé chaque étape de l’arrivée de The Normal Heart en France, il n’a jamais été directement en contact avec Virginie de Clausade. Il n’empêche que cette adaptation est fidèle au texte de l’auteur. Beaucoup plus que le téléfilm qui, malgré ses qualités, avait tendance à emmener le téléspectateur dans le pathos quelquefois trop marqué, à l’image de la scène d’adieu à Félix qui se révèle bien plus touchante et sobre sur scène…
Une urgence et une colère intacte
Quand vous arrivez au théâtre et comme ça a été le cas à chaque représentation de The Normal Heart (lors de sa reprise à Broadway en 2011), vous recevez une lettre signée de Larry Kramer. Elle s’intitule : Please Know. Dans cette lettre, Larry Kramer parle des personnages et donne les noms des gens qui l’ont inspiré pour la pièce. Il raconte, par exemple, que le personnage de Bruce (qui en réalité s’appelle Paul) l’a appelé depuis son lit de mort pour lui dire de ne jamais cesser de se battre… Ce que Kramer a appliqué jusqu’au bout de sa vie le 27 mai 2020 à l’âge de 84 ans ! Dans la lettre, toujours, il rappelle que 35 millions de personnes sont mortes du sida. Elles n’étaient que 41 au début de la pièce ! Si vous allez voir le spectacle, lisez attentivement cette lettre qui est toujours terriblement d’actualité.
Dimitri Storoge, un Ned Weeks impressionnant !
Bien qu’inégal, le casting français de The Normal Heart propose de bonnes surprises. À commencer par Dimitri Storoge qui porte la pièce à bout de bras et se montre étonnant de justesse dans le rôle de Ned Weeks, personnage inspiré par Larry Kramer lui-même. On se souvient de lui pour son interprétation dans Les Lyonnais d’Olivier Marchal qui lui a valu une nomination au César du Meilleur espoir masculin en 2012. Le deuxième personnage qui nous a impressionnés est celui de Emma Brookner, interprété par Déborah Grall. On ne peut s’empêcher de la comparer à Julia Roberts dans le téléfilm. Et on doit bien l’admettre, Déborah Grall est impeccable dans le rôle de cette médecin, en fauteuil roulant, lanceuse d’alerte dans un monde complètement sourd à ses conseils.
The Normal Heart est la pièce à voir. On n’en sort pas indemne, évidemment. Comme à chaque fois qu’on touche à notre histoire.