« Heartstopper » a-t-elle ringardisé des séries comme “Love, Victor” ?
« Love, Victor » (saison 3 sur Disney+) et « Elite » (saison 5 sur Netflix), deux séries que les gays affectionnaient particulièrement, sont sortis quasiment dans l’indifférence générale. La sortie en même temps de « Heartstopper » (sur Netflix) y serait-elle pour quelque chose ?
Le printemps s’annonçait très gay-friendly sur les plateformes. Presque toutes nos séries fétiches proposait une nouvelle saison : on allait pouvoir se régaler avec nos chouchous. Elite, Love, Victor ou encore Euphoria nous promettaient de longues et réjouissantes soirées. Et puis, un petit grain de sable est venu perturber la machine, pourtant bien rodée, des programmes LGBT+ des plateformes plutôt généreuses à l’approche du Mois des Fiertés. C’est Heartstopper qui a tout chamboulé. Le succès planétaire de la série semble avoir changé les codes habituels du scénario LGBT+. La diversité ne suffit plus telle quelle, il faut qu’elle soit « naturelle », intégrée dans une société qui a évolué quant aux droits, qu’elle ne soit plus un gage de modernité, mais qu’elle soit LA modernité. La dernière série LGBT+ en date est la saison 3 de Love, Victor. Quand la première saison a été diffusée en 2020, elle a créé l’événement. Pourquoi donc, l’engouement n’est-il plus aujourd’hui le même ?
La fin des scénarios tirés par les cheveux ?
Si on compare toutes ces séries les unes aux autres, on ne peut s’empêcher d’admettre qu’on est très loin de Gérard Vives dans Les Filles d’à côté et des clichés habituels sur les gays dans les séries… Et pourtant, on a l’impression que le gay dans les séries suit un peu toujours le même schéma. Il est très jeune, a des problèmes pour vivre son homosexualité, vit dans un groupe d’amis assez extraordinaires et a des parents qui finissent toujours par être extrêmement tolérants… Alors pourquoi avons-nous l’impression qu’avec Heartstopper, on touche à quelque chose de nouveau ? Peut-être parce que la série est simple dans son scénario : pas de meurtre, de prise de drogue, de plan à trois voire plus, de ruptures à répétition… On n’était plus habitué à voir des adolescents aussi « normaux » et c’est peut-être une des raisons du succès d’Heartstopper… Cette série nous rappelle des souvenirs.
Un effet miroir…
La plupart des séries qui racontent la vie d’un adolescent gay parlent évidemment à la grande majorité des personnes LGBT+. Bien sûr que certains d’entre nous ont vécu des histoires tragiques pendant cette période de la jeunesse, mais voir comment Heartstopper appréhende, par exemple, le coming out ou l’homophobie apporte un peu de fraîcheur sans jamais éluder les difficultés. Et surtout sans jamais en faire trop. Dans les autres séries, on a l’impression qu’on vit un concentré de toutes les discriminations. A-t-on vraiment envie, aujourd’hui, de nous replonger dans un univers aussi hostile, voire presque caricatural ? A y réfléchir de plus près, qu’est qui nous animait vraiment pendant l’adolescence, sinon l’amour ? C’est certainement, ce que les séries LGBT+ ont oublié à force de vouloir créer du suspense ou des rebondissements à répétition. On est presque fatigué de voir les réconciliations entre Victor et Benji dans cette troisième saison de Love, Victor…
Une communauté beaucoup plus diverse !
En revanche, on ne pourra pas reprocher à ces séries de ne pas refléter toute la diversité de notre communauté. La pression sur les studios à propos de la place laissée aux minorités a porté ses fruits, sur les séries gays aussi. Fort heureusement. Il suffit de se rappeler combien de personnes racisées étaient au casting de Queer As Folk, pour s’apercevoir du chemin parcouru. Les personnages de Tao et de Elle dans Heartstopper sont emblématiques de ce qu’une série gay se doit de proposer aujourd’hui. Et les plateformes semblent avoir compris que les personnages des séries doivent vraiment nous ressembler. Il suffit de voir le casting du très attendu reboot de Queer As Folk. Serions-nous devenus très exigeants en matière de séries LGBT+ ? Sans aucun doute, dès qu’un vrai travail sur le scénario est visible. Nous attendons avec impatience la saison 2 de Heartstopper : mais l’audace et la modernité de la série survivront-elles ?