La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé : que vaut la mini-série de Xavier Dolan ?
En 2022, Xavier Dolan nous a prévenus : il souhaite faire une pause. Mais avant, il nous livre une mini-série, « La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé », diffusée dès le lundi 23 janvier sur Canal+. Le résultat est bluffant et nous montre à quel point il sait vraiment tout faire.
Sur le papier, la mini-série Laurier Gaudreault avait tout pour plaire : un casting impeccable, un scénario tiré d’une pièce de Michel Marc Bouchard (le dramaturge québécois à qui l’on doit Tom à la ferme) ou encore une musique coécrite par Hans Zimmer (Le Roi Lion, Gladiator, Dune). Sans oublier à la réalisation, Xavier Dolan qui s’octroie également l’un des rôles principaux.
C’est la première série que le jeune prodige québécois propose. L’exercice était périlleux tant les codes du genre sont particuliers. Xavier Dolan s’en tire brillamment. Le résultat est excellent et addictif. La série fera date.
Un peu comme Pedro Almodovar en Espagne, Xavier Dolan est patrimonial au Québec. Le public québécois est souvent plus dur et moins tenté par « l’admiration du génie » qu’en France ou ailleurs. Pourtant, avec Laurier Gaudreault, les critiques locales sont quasiment unanimes : la série est excellente. Et l’équipe de Jock se joint au concert.
Une histoire très « dolanienne »
Laurier Gaudreault raconte les retrouvailles d’une sœur et de ses trois frères à l’occasion du décès de leur mère et tous, tenteront de répondre à la question : que s’est-il vraiment passé cette nuit de 1991 qui a tellement et profondément endommagé la cohésion et l’amour de cette famille ? Entre ceux qui sont tentés de réécrire l’histoire, ceux qui ont décidé de l’oublier ou encore ceux qui étaient trop jeunes pour se rappeler, la réunion de famille a tout pour tourner au cauchemar…
Xavier Dolan a tout de suite songé a adapté Laurier Gaudreault après l’avoir vu sur scène en 2019. Et on comprend pourquoi tant l’histoire fait écho à toute sa filmographie. Il y a du Mommy, du Juste la fin du monde, du Tom à la ferme, du Comment j’ai tué ma mère, même… La mini-série aborde un genre que le réalisateur québécois n’avait pas encore tout à fait travaillé : le thriller familial. Mais elle touche à des thèmes qui lui sont chers : la famille (la mère, surtout), le chaos généré par les névroses du passé qu’on a préféré glisser sous le tapis, l’addiction, les relations humaines compliquées, voire dangereuses…
Quel casting !
Xavier Dolan est un des meilleurs directeurs d’acteurs actuel. Il arrive à traduire et à rendre limpide toute la complexité de sa pensée dans le jeu des comédiens. Dans Laurier Gaudreault, il excelle. Il s’est entouré d’un cast extraordinaire. On retrouve avec plaisir son actrice fétiche qui, après Mommy, endosse de nouveau à la perfection le rôle d’une maman envahissante. Les comédiens qui incarnent la fratrie habitent complètement leurs rôles. Dolan les rend vivants, beaux, sexys même. On a aussi reconnu dans le personnage de Laurier Gaudreault, l’acteur Pier-Gabriel Lajoie, jeune éphèbe révélé par Bruce LaBruce dans Gerontophilia.
Dans Laurier Gaudreault, on souffre avec les personnages, on pleure parfois, on rit aussi notamment avec la version karaoké de Regarde-moi de Céline Dion. On est bien chez Dolan !
Un cas d’école…
A force de binger des séries en un week-end, de les enquiller sans vraiment distinguer les qualités des unes et des autres, on en finirait presque à mettre cette catégorie de création de côté. Un peu comme un art mineur qui ne vaudrait pas vraiment le coup. Voir La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé remet un peu les pendules à l’heure. Son montage est digne de celui des plus grands films. Sa photographie est parfaite (il a fait appel à son chef op’ habituel), on se laisse prendre à ce suspense qui n’en est pas vraiment un. Et c’est là la grande force de la série… On sait ce qui s’est passé mais peu importe.
On sort du visionnage un peu K.O. comme si on venait de voir quelque chose dont on se souviendra très longtemps. Un peu comme pour des séries comme Twin Peaks, Six Feet Under ou encore Les Sopranos… Seul bémol, ça ne dure que cinq épisodes !
