Avec la nomination de Guillaume Diop comme danseur étoile, l’Opéra de Paris fait sa révolution

En 2014, Benjamin Millepied, fraichement nommé directeur, déplorait le manque de diversité au sein de la troupe de l’Opéra de Paris. Avec l’arrivée fin 2022 de José Martínez, il souffle au Palais Garnier un vent de renouveau. Et c’est tant mieux !

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Ce mois de mars 2023 est à inscrire dans les annales de l’Opéra de Paris. Le 2 mars, Marc Moreau est nommé Danseur étoile. Neuf jours plus tard, c’est au tour de Guillaume Diop, d’accéder au titre ultime pour un danseur classique. Marc Moreau, un danseur gay puis Guillaume Diop, un danseur noir (une première pour l’Opéra en 300 ans d’existence) : la diversité entre par la grande porte au Palais Garnier.

La contiguïté des deux annonces fait écho aux reproches que le chorégraphe Benjamin Millepied faisait à l’Opéra. Fort de son expérience outre-Atlantique, le mari de Natalie Portman déplorait le manque de diversité et espérait en prenant la tête de l’institution donner un coup de pied dans la fourmilière. Il n’a pas vraiment eu le temps de voir les effets que ses déclarations ont eu sur le fonctionnement de l’Opéra de Paris. La nomination de Guillaume Diop lui donne raison, au final !

Guillaume Diop, un danseur exceptionnel

C’est à Séoul que Guillaume Diop a appris sur scène, comme il est d’usage dans la troupe de l’Opéra de Paris, qu’il devenait Danseur étoile. Aussitôt, les médias du monde entier se sont rués sur l’information : « Un premier Danseur étoile noir à l’Opéra de Paris ! » Le qualificatif est dans tous les titres. Il est noir ! Comme si sa couleur de peau rendait l’événement encore plus exceptionnel.

Pourtant, ce qui est peut-être plus incroyable, c’est son âge : 23 ans. Il vient d’être nommé alors qu’il n’est même pas passé par la case Premier danseur. Pour rappel, François Alu a reçu le titre honorifique à l’âge de 28 ans après avoir été Premier danseur pendant plus de 9 ans ! Le talent de Guillaume fait l’unanimité, sa précocité (de l’acabit de Patrick Dupont) encore plus…

Ce n’était pas gagné

Pourtant, ça n’a pas été facile au début et Guillaume l’a raconté dans une interview au Monde : « Je ne me projetais pas comme danseur. Mes parents non plus, qui pensaient qu’un garçon métis n’avait pas sa place à l’Opéra. Personnellement, je me voyais plutôt médecin… » Pour sa famille, la danse était « un sport de blanc ». Mais c’est peut-être parce qu’il était hyperactif quand il était enfant, que la danse a été l’outil parfait pour le canaliser.

Il a commencé à apprendre l’art du ballet au Conservatoire du XIIIe arrondissement de Paris : « Ce fut mon premier choc culturel. Dans la classe, j’étais le garçon métis entouré de petites filles blanches », confie-t-il à Neonmag.

A l’Opéra de Paris, en 2020, il sera l’un des cinq coauteurs du manifeste qui pose la question du racisme dans ce temple de la danse décidément très blanc : De la question raciale à l’Opéra de Paris. Une mission sera même dépêchée pour répondre aux inquiétudes des danseurs racisés de l’Opéra. Elle commence à porter ses fruits petit à petit. Par exemple, on ne dit plus en parlant des fameux collants, « Couleur chair », mais « couleur peau ». Un détail important…

Danseur étoile tout simplement…

C’est donc le fait qu’il soit noir qui a justifié à Guillaume Diop une médiatisation exceptionnelle après sa nomination comme Danseur étoile à l’Opéra de Paris. C’est toujours utile de rappeler les failles que nos systèmes, y compris culturels, ont créé avec le temps et l’histoire. Un jour, peut-être, avoir du talent suffira pour faire les gros titres : on n’aura plus besoin de qualités particulières pour se faire remarquer.

Parce qu’au fond, souligner la couleur de peau ou même l’identité sexuelle de tel ou tel artiste n’est-ce pas un peu faire le lit d’une forme d’exclusion ? Mais nous n’en sommes pas encore là. Et chaque fois qu’un plafond de verre sera brisé, on continuera de s’en réjouir… Bravo Guillaume !

Tu en veux encore ?