Yann Gonzalez à l’honneur de In&Out Nice : « Je suis un cinéaste queer qui aime les films déviants ! »
Invité pour une rétrospective de son cinéma au Festival In&Out à Nice (du 6 au 15 avril), Yann Gonzalez revient pour JocK sur son cinéma et celui des réalisateurs qu’il aime particulièrement. Une master class rien que pour vous.
Participer au Festival In&Out de Nice, c’est comme un retour aux sources ?
Je suis né à Nice, j’ai grandi à Nice, j’ai fait mes études là-bas. C’est là aussi que j’ai fait mes premières sorties gays. Je sortais beaucoup au Blue Boy. J’allais avec mon meilleur ami au tea dance de l’Obaobar. Mais comme ce sont des endroits qui n’existent plus, je ne suis pas très nostalgique ce cette époque. Ça reste la ville de mes premières fois : premières débauches, premiers amours… Mais aussi de mes premiers souvenirs cinéphiliques parce que j’ai beaucoup fréquenté la cinémathèque de Nice qui est aujourd’hui dans une passe un peu compliquée. J’ai, par exemple, des souvenirs de projections de films de Fassbinder.
Ça ne vous fait pas drôle que le Festival vous propose une rétrospective aujourd’hui ?
Un peu, oui. J’ai fait deux longs-métrages (Les Rencontres d’après minuit et Un couteau dans le cœur) et des courts-métrages. C’est un peu prématuré, certes, mais je considère ça comme un portrait de mon travail à un moment donné.
Une master class est d’ailleurs prévue le 7 avril. Vous avez prévu quelque chose de spécial ?
Pas du tout. J’ai toujours trouvé que le terme master class était un peu ridicule : c’est plus un échange entre un professionnel du cinéma et un public. Pourtant, j’ai été marqué par des master class auxquelles j’ai assisté : Coppola au Festival Lumière de Lyon ou encore Scorsese à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes…
Vous considérez-vous comme un cinéaste queer ?
Absolument ! Pour moi, c’est quelqu’un qui fait fi des normes et qui va se nicher dans les marges, dans les endroits dangereux ou interdits. J’aime revenir à la définition initiale du mot queer que je trouve fabuleuse : étrange, bizarre… C’est ce queer-là auquel je préfère me rattacher, par forcément à la définition un peu galvaudée qui dit que le queer, c’est tout ce qui est LGBT+. L’idée de faire un cinéma déviant, c’est quelque chose qui me sied !
C’est quoi le cinéma LGBT, pour vous ?
Je fais une différence entre « le cinéma pédé », là où les problématiques queer font sujet, et « le cinéma LGBT », un cinéma presque familial des questions LGBT. Le cinéma LGBT depuis vingt ou trente ans est un peu plus consensuel. Il cherche trop à faire entrer les questions LGBT dans la norme. Le cinéma que j’appelle « pédé » compte de très bons réalisateurs : Jean Genet, même s’il n’a fait qu’un film, João Pedro Rodrigues, Pasolini, Fassbinder et dans la génération actuelle Alexis Langlois, Nicolas Medy…
Et Pedro Almodovar, vous le rangez dans quelle catégorie ?
Je ne suis pas tout à fait d’accord quand on dit qu’il fait du cinéma un peu mainstream. Même si c’est plus sous-terrain, il y a toujours des trouvailles un peu déviantes dans le cinéma d’Almodovar. J’adore toujours ce cinéaste : par exemple, j’ai été bouleversé par Julieta… Mais j’admets aussi après avoir revu quelques-uns de ses premiers films que ça a perdu un peu de sa sève transgressive. S’il refaisait aujourd’hui La Loi du désir, je ne suis pas sûr que ça passerait. Alors que pour moi, c’est son plus grand film.
Vous avez été critique de cinéma. Comment un critique accepte les critiques sur ses propres films ?
Je les lis. Je les lis même trop. C’est vicieux et masochiste. Les critiques positives ne me font pas spécialement plaisir ou ne m’encouragent pas. Dès que je lis quelque chose de négatif, je m’engouffre dedans, ça me perturbe. Je me remets en question, c’est affreux. C’est pas très sain mais je ne peux pas m’empêcher. Je regrette certaines des critiques que j’ai pu écrire quand j’ai commencé à 23 ans. Je croyais tout connaître sur tout, j’avais une arrogance insupportable. C’était peut-être lié à la frustration de ne pas pouvoir faire encore mes propres films. Je n’assume pas du tout aujourd’hui.