Rencontre avec Brice Hillairet, Ă©patant dans Hedwig and the Angry Inch au Festival OFF d’Avignon

Adepte des dĂ©fis, abonnĂ© aux rĂŽles forts et sensibles, Brice Hillairet, en interprĂ©tant le rĂŽle-titre de « Hedwig and the Angry Inch Â» dans la mise en scĂšne de Dominique Guillo, fait l’actu du festival Avignon OFF 2023 avant de venir s’installer au CafĂ© de la Danse Ă  Paris Ă  la rentrĂ©e. Entre deux spectacles et dans la chaleur Ă©touffante de la citĂ© des Papes, Brice Hillairet nous fait partager l’émotion d’un grand moment de thĂ©Ăątre musical rock.

Publié le

Interview réalisée par Philippe Escalier

Brice, ce rôle que l’on qualifiera volontiers de monumental, tu l’as accepté sans hésitation ?

C’est d’évidence un rôle complet et c’est cela qui m’a attiré tout de suite, non sans m’impressionner. Au début, j’ai eu peur de la partie chantée, elle est énorme, très rock, c’est une des choses que je n’ai jamais faites. J’ai beaucoup travaillé la part musicale et puis, je me suis dit qu’il ne fallait pas oublier que c’était d’abord du théâtre, avec un personnage central et une fiction, ce qui a contribué à me rassurer. Nous avons une histoire à raconter que le texte, les chansons (traduites en vidéo) et le décor aident à comprendre.

Ce spectacle est un mélange de plein de genres ce qui me va tout à fait. Ce que j’aime dans ce métier, c’est ce qui déborde. Je n’aime pas ce qui est dans des cases et trop bien caractérisé. J’aime que les styles se mélangent. Alors oui, bien sûr, j’ai douté, mais je doute tout le temps et si je ne doute pas, je ne peux rien faire !

Comment cette proposition est-elle venue jusqu’à toi ?

Il y a trois ans, Dominique Guillo m’a présenté ce projet dont il rêvait depuis vingt ans après avoir vu le film et le spectacle à Broadway. Il m’a montré le film tourné en 2001 par John Cameron Mitchell. Je suis tombé à la renverse et j’ai été bouleversé, j’en ai encore la chair de poule rien que d’en parler. Je lui ai dit qu’il devait le faire et j’ai immédiatement suggéré plusieurs noms pour le rôle. Le confinement a tout arrêté. Lorsque nous en sommes sortis en 2020, un événement est intervenu : j’ai décroché un Molière [ NDLR : de la révélation masculine pour La Souricière d’Agatha Christie]

Inutile de dire que cela change un peu la vie, l’on reçoit des propositions alléchantes et surtout il se passe quelque chose à l’intérieur de nous. Je me suis dit qu’il fallait que ce Molière me soit utile et me permette de faire ce que j’avais envie de faire. J’ai repensé à Hedwig. Avec Dominique Guillo, nous nous sommes revus. Je suis venu avec deux chansons du spectacle que j’avais travaillées. Et on s’est dit « banco, on y va ! ».

Nous avons énormément échangé autour du personnage et de sa destinée. Tout est né au fur et à mesure grâce à nos discussions. Ensuite, ce rôle a été nourri par mon expérience, en travaillant beaucoup sur le texte, sur la musique avec mon prof Jérémy Reynolds qui est un super coach. À partir de là, j’ai pu faire évoluer ce personnage qui va continuer à vivre, donc à évoluer.

@robinlevet
@robin levet

Il y a dans « Hedwig » un thème fort à défendre, celui de la tolérance !  

Le sujet est très important. Le spectacle a été créé il y a 25 ans aux États-Unis quand en France on était à mille lieux de ça et d’ailleurs il faudra 25 ans pour que nous puissions enfin l’accueillir. Pour moi, ce qui est très important, au delà de la lutte contre toutes les formes de discriminations, c’est surtout qu’il permet de dire haut et fort : « Une bonne fois pour toutes, laissons les gens décider de ce qu’ils sont ! »

Hedwig a tellement été conditionné qu’il n’est pas certain, après une opération qui s’est mal passée, de savoir qui il est et comment il se définit : un homme, une femme ? Donc ce qui est essentiel et primordial : chacun fait comme il veut et décide de qui il est. Cette évidence a vraiment besoin d’être martelée.

Revenons un instant sur le côté spectaculaire de ta performance. Il faut avoir la voix mais aussi la condition physique !

Oui c’est sportif, c’est marathonien. Mais j’aime cela et je me suis d’ailleurs déjà imposé certains petits défis comme un seul en scène ou deux spectacles joués d’affilée. Je dois être un peu maso parce que cela me plait d’être attiré par une montagne qui, sur le moment, semble difficile à franchir. Pour moi, si le col est trop facile à monter, j’y vais en trainant la patte. Bon, là, c’est sûr, je n’y vais pas à reculons, je ressens un plaisir intense qui n’exclut pas certaines peurs comme je le disais au début.

Tu t’attendais à un accueil médiatique aussi important ?

Je suis content que, d’une manière générale, les gens s’y intéressent. Je ne sais pas s’ils connaissent l’œuvre ou s’ils vont la découvrir. Il faut découvrir cette œuvre qui ouvre beaucoup de portes et qui se révèle très riche avec énormément de couches et de sous-couches. En tous cas, je trouve très chouette qu’Hedwig arrive en France car c’est une grande œuvre et une œuvre de fiction. Je suis attaché à la fiction. Certains ont pu penser que c’était une histoire vraie. Non, c’est de la pure fiction qui parle de l’intime, tout le temps. Nous avons besoin de fiction : la réalité, on est déjà dedans !

© Philippe Escalier
© Philippe Escalier

Le spectacle sera joué à Paris au Café de la danse dès septembre. Y aura-t-il des différences avec la version d’Avignon ?

Oui car nous aurons une scène beaucoup plus grande qui va nous laisser plus de liberté encore. Et nous serons installés sur la durée avec deux représentations par mois de septembre 2023 à juin 2024.

Tu parlais de jouer deux spectacles en même temps. C’est bien le cas cette année encore où tu défends durant le festival un autre beau rôle dans Agathe Royale de Jean-Benoît Patricot avec Catherine Jacob au Théâtre des Gémeaux. Encore une pièce surprenante…

Être face à Catherine Jacob est une vraie joie, en particulier avec ce personnage de Quentin que j’aime bien. C’est un spectacle singulier parce que la pièce va toujours dans un sens inattendu. C’est une série de basculements et une pièce qui aborde notre métier et cette nécessité d’être sur scène qui me plait énormément et qui, grâce à l’humour de l’auteur, parle au public.

Pour finir, un mot sur la présence surprise du compositeur d’Hedwig, Stephen Trask, lors de la première à Avignon au Rouge Gorge, le 7 juillet dernier ?

Nous étions tellement heureux qu’il ait fait le déplacement spécialement pour nous en ce jour de première. Il reviendra pour la première au café de la Danse où il sera rejoint par John Cameron Mitchell. Un autre grand moment en perspective !


THEATRE LE ROUGE GORGE – Festival OFF Avignon 2023
Du 07 au 29 juillet 2023 à 21h(sauf les 12, 19 et 26 juillet 2023). Réservations : www.lerougegorge.fr / 04 84 51 24 34


LE CAFE DE LA DANSE – Paris
A partir du 18 septembre 2023 à 20h
Réservations : Billetreduc.com

Tu en veux encore ?